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David Toutain à Paris : Être cuisinier en 2025

by Anne Garabedian

Le chef David Toutain, membre de l’association Les Grandes Tables du Monde, identifie une nouvelle ère, celle de la liberté d’expression culinaire : « Nous avons de la chance d’être restaurateurs en 2025 : nous avons la possibilité de raconter une histoire à travers notre cuisine et d’être compris par des clients qui ont une ouverture d’esprit incroyable et sont capables de faire un voyage pour venir manger chez nous. » Dans le lien entre ses clients, son équipe et ses producteurs, il décrit un éco-système qui ressemble à une famille, et dans lequel il évolue sans cesse. Il nous raconte également deux recettes qui lui ressemblent : « Pomme de terre, banane et caviar », ainsi que l’asperge verte, un terrain de jeu vivant qui le challenge chaque année.

Avec David Toutain, nous avons identifié un point positif à la période actuelle : même si tout n’est pas simple, le chef met en avant la liberté d’expression des cuisiniers en 2025, encouragés par la confiance de leurs clients.

Dans cette série de portraits du Cœur des Chefs, réalisés avec l’association Les Grandes Tables du Monde  afin de présenter ses membres installés aux quatre coins de la planète, nous allons parfois plus loin dans l’interview. Avec David Toutain, nous échangeons sur l’expérience du restaurant gastronomique, véritable moment culturel pour développer son palais, et sur la liberté d’expression culinaire des chefs qui s’est développée grâce à l’ouverture d’esprit des clients, « qui se laissent bercer en confiance. « 

L’enrichissement culturel d ’une expérience gastronomique

David Toutain affirme que si le restaurant est un lieu de vie, et qu’il ne doit pas solliciter une réflexion « cérébrale » de ses clients, ce qui s’y joue est très culturel : « Nos clients nous font une immense confiance en se laissant bercer sur des terrains qu’ils ne connaissent pas toujours. J’adore les surprendre, les amener à redécouvrir un produit qu’ils n’aimaient pas ou qu’ils n’osaient pas goûter. »

Se laisser bercer

Pour David Toutain, le restaurant est un lieu culturel qui permet en même temps de s’ouvrir et pourtant de déconnecter totalement du quotidien : « Ce qui est important, c’est déjà de sensibiliser les gens à ce qu’on fait, qu’ils puissent déconnecter un peu de leur quotidien et lâcher prise, que ce soit par rapport au solide comme au liquide. J’ai envie que les gens reviennent à des choses simples, qu’ils oublient un peu ce qui se passe à l’extérieur, qu’ils vivent pleinement le moment présent. »

« Ce qui est magnifique aujourd’hui, c’est l’ouverture d’esprit des clients. Il y a une vraie confiance. Les gens viennent, ils ne choisissent pas. On cuisine pour eux, et ils se laissent bercer. »

David Toutain

« Cette chance incroyable d’être cuisinier en 2025« 

« La chance de notre époque, c’est d’avoir des gens qui voyagent pour manger. Moi le premier. Ce week-end, je suis parti en Irlande, à Cork, juste pour manger dans un restaurant. J’ai pris un avion, un hôtel, j’ai voyagé exprès pour ça. Pour passer un moment unique, un moment singulier et sincère. »

Une liberté d’expression culinaire

« Je trouve qu’en tant que chef, on a la liberté aujourd’hui de s’exprimer, d’aller de l’avant, de raconter une histoire à travers la cuisine. C’est très artistique, comme démarche. Comme lors d’un concert, d’un opéra ou d’une pièce de théâtre, tu vas vivre l’instant T, et tu vas ressentir quelque chose. »


Évoluer sans cesse

« C’est important d’évoluer et d’apporter quelque chose de nouveau à chaque fois. Avant, je ne changeais pas si souvent mes plats. Maintenant, j’en ai besoin. Il y a toujours des classiques qui reviennent, mais sur une vingtaine de préparations, il y en a seulement deux ou trois qui restent dans le temps. « 

« Vivre » le produit 

« Je pourrais refaire tout le temps les mêmes plats pour « sécuriser », mais j’ai envie de vivre le produit, de partager ma passion, mon imagination. Et je pense cela plaît à mes clients. Ils me disent souvent : “ Je suis venu l’année dernière, et je reviens : j’ai toujours votre fibre, votre histoire, mais je découvre de nouvelles saveurs. “ Ça fait plaisir.« 


Mes gars me poussent

« Aujourd’hui, j’ai une des plus belles équipes que j’ai eue en douze ans d’ouverture. Les gens restent, s’impliquent, travaillent. Ils me réconfortent. Mes gars derrière me poussent aussi. Ils me disent : « Chef, on est là pour vous. » Je fais des briefings tous les matins : chacun ici a un rôle important. »

« Que tu sois stagiaire, sous-chef ou chef, chacun porte une pierre à l’édifice.

David Toutain

J’ai appris à déléguer

« Avant, je n’arrivais même pas à déléguer à Paris. Mais maintenant, j’ai des restaurants à Hong Kong et Bangkok. J’ai des chefs sur place, Joris à Hong Kong et Valentin à Bangkok. Ce sont eux qui sont le lien entre les clients et moi. Je grandis en tant qu’homme grâce à eux. Et quand tu fais grandir les gens autour de toi, ça te fait grandir également. »

Quand tu transmets, tu grandis aussi.

David TOutain

Une relation de confiance avec les producteurs

« On travaille toujours avec les mêmes  : les poissonniers, les bouchers, les botanistes, les producteurs. Il y a une vraie relation de confiance, c’est quasiment devenu une famille. Ce sont souvent eux qui choisissent pour nous, qui nous proposent ce qu’il y a de plus beau. On est à Paris, on s’adapte. On cuisine avec l’âme, avec le cœur, car nous avons conscience, par notre activité, de faire vivre des gens derrière nous. »


Les recettes racontées de David Toutain

Recette racontée : « Pomme de terre, banane et caviar »

« Un plat qui me tient à cœur ? C’est celui autour de la pomme de terre, banane et caviar. La base, c’est la pomme de terre, un produit très doux, réconfortant. J’aime manger la banane avec le caviar. Il y a un jeu de textures, de goûts, un prolongement en bouche. La banane, je la fais fermenter pour développer l’acidité, atténuer la sucrosité et trouver un équilibre. Il y a une crème de persil, des petites pommes de terre cuites dans un bouillon de volaille, un condiment banane fermentée, et le caviar apporte tout le côté iodé, frais et luxueux. J’ai toujours tendance à dire qu’il y a une banane cachée chez moi, ici servie avec le caviar. »

Recette racontée : L’asperge, un terrain de jeu vivant

« Tous les ans, je travaille l’asperge verte différemment : en chaud, froid, rôtie, grillée, avec des crustacés, un poisson ou une viande. Cette année, c’était « Asperge verte, pistache et livèche ». On était sur un monochrome vert : une purée d’asperge, pistache, collagène de cabillaud, copeaux crus, un velouté d’asperge à côté. C’était un plat plein de fraîcheur, de goût, de profondeur : exactement ce que j’avais envie de manger à ce moment-là ! »


Tes dernières claques chez des membres de l’association Les Grandes Tables du Monde ?

« Ma dernière claque, je l’ai prise à La Grenouillère, chez Alexandre Gauthier. J’adore cette maison. C’est une vraie cuisine d’auteur. Quand je vais là-bas, je vis tout  pleinement : cette succession de plats, le moment, le sommelier, l’accueil… J’ai aussi adoré mon expérience au Mirazur chez Mauro Colagreco. Et j’adore aussi Emmanuel Renaut. Sa cuisine est exceptionnelle de goût, de saveur, d’intensité. »

Ta prochaine « Grande Table du Monde » ?

« La prochaine « Grande Table du Monde » que j’ai envie de découvrir, c’est chez Christopher Coutanceau et Nicolas Brossard à La Rochelle. J’ai rencontré plusieurs fois Christopher et c’est l’homme qui m’a conquis avant même sa cuisine, que je n’ai pas encore goûtée, mais j’adore déjà l’homme. Et en général, quand j’adore l’homme, en général, j’adore la cuisine. Je sais déjà que je vais passer un très bon moment. »

Pour aller plus loin :

https://www.davidtoutain.com

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