Quand la cuisine avançait sur l’engagement responsable, la pâtisserie restait de marbre. Mais cette dernière met les bouchées doubles pour rattraper son retard. Qui mieux que Luc Debove, Directeur de l’École Nationale Supérieure de Pâtisserie à Yssingeaux (École Ducasse), pouvait nous démontrer l’évolution phénoménale que la profession opère ces dernières années ?
Sur la thématique de l’engagement responsable et de la saisonnalité, la cuisine avait sans doute un temps d’avance sur la pâtisserie. Depuis longtemps, Alain Ducasse fait bouger les lignes. Précurseur des notions de Naturalité et de Desseralité en emmenant avec lui Romain Meder et Jessica Préalpato, le Chef a marqué de son empreinte les campus d’École Ducasse Paris et de l’École Nationale Supérieure de Pâtisserie à Yssingeaux, dirigée par Luc Debove. Avec le Directeur de l’ENSP, ils sont à l’unisson.
Un décalage de responsabilité entre cuisine et pâtisserie
« Effectivement, la pâtisserie ne s’est jamais positionnée de la même manière que la cuisine », analyse Luc Debove. « La tendance de ces dernières années a mis le doigt sur ce décalage : il y avait une volonté des clients d’avoir du fruit rouge en plein hiver, notamment en boutique, alors que la cuisine savait travailler avec un panier du marché. Il y a eu une prise de conscience des deux côtés : des pâtissiers eux-mêmes, mais aussi des consommateurs. Les clients sensibles à l’importance de l’environnement et de la saisonnalité nous ont incités à voir les choses différemment. Même s’il nous arrive encore de croiser des framboises fraîches à la Saint-Valentin, la prise de conscience est effective dans notre profession et à l’ENSP, nous y travaillons tous les jours. »
Des pâtisseries réfléchies
« Nous tenons compte de la saisonnalité mais aussi de l’aspect santé en réalisant des pâtisseries réfléchies : c’est notre engagement. Ce n’est plus une tendance, c’est un virage durable. La nouvelle génération nous pousse dans ce sens et les élèves sont aussi impliqués que nous. Nous sommes clairement positionnés dans un avenir responsable. C’est la conception de notre métier, qui s’inscrit dans la durée et fait partie de notre ADN. »
Luc Debove, Directeur de l’École Nationale Supérieure de Pâtisserie à Yssingeaux (École Ducasse)
Chambouler les programmes du CAP Pâtissier
Concrètement, ce ne fut pas si simple : dès son arrivée, Luc Debove a dû chambouler l’ordre des programmes en exigeant le respect de la saisonnalité dans l’ordre des apprentissages : « Impossible de dérouler le programme du CAP Pâtissier en commençant par les mêmes recettes, alors que les élèves entrent tout au long de l’année ! On ne va pas faire le fraisier en décembre, on le fait en mai. On adapte le contenu et la progression en fonction de la saison. Alain Ducasse m’a fortement soutenu dans cette décision. »
Le sourcing
« Dans la mesure du possible, nous travaillons en local et en circuits courts. Nous avons la chance d’avoir la coopérative laitière à moins de 8 km, le miel, les œufs et la minoterie à moins de 20 km, et les fruits rouges viennent d’un GAEC de la région. C’est une volonté de travailler ces produits d’excellence et de goûter cet arôme particulier, lié à l’herbe broutée ici, du beurre et de la crème. Cela montre à nos élèves que certains ingrédients peuvent coûter un peu plus cher, mais que c’est justifié. Et la plupart du temps, les prix sont tout à fait corrects. »
Rien ne se jette
« Nos anciens nous ont appris à utiliser le produit dans son entièreté. D’une pomme, on gardait le trognon et les épluchures. C’est quelque chose que l’on avait oublié dans les programmes et que nous avons réintégré. Revaloriser ses déchets nobles, c’est aussi la satisfaction de faire son propre nappage, de lui donner un goût spécifique et de réaliser qu’il vous aura coûté deux fois moins cher. »

Les élèves vont encore plus loin
« Toutes ces valeurs sont enseignées chaque jour à l’école et mises en œuvre dans le laboratoire. Demain, nos élèves auront à l’esprit l’impact de leur activité sur la durabilité des produits, leur responsabilité sur la manière de les consommer mais aussi l’énergie nécessaire pour les cultiver puis les transformer. Et leurs projets de fin d’études sont le reflet de ces engagements : d’eux-mêmes, ils vont encore plus loin. »

