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En immersion dans la cuisine d’ADMO

by Anne Garabedian

Pour comprendre comment Albert Adria et Romain Meder fonctionnent ensemble pour le projet ADMO (100 jours au Ombres, le restaurant du Quai Branly), il fallait se glisser dans les cuisines, vivre la mise en place et les essais, et se poser avec eux pour les écouter. Sans langue de bois, ils confirment que ce n’était pas un exercice facile mais « comme deux nouveaux joueurs de foot sur le même terrain », ils ont appris à se connaître et à marier leurs univers : maintenant, créer un plat à deux est bien plus rapide qu’au début. Et quand les clients pensent savoir quelle idée vient de l’un ou de l’autre mais se trompent totalement, ils sont ravis. 

Lundi matin, en bas de la Tour Eiffel. Le Musée du Quai Branly ne se prend pas d’assaut facilement : il est tôt et il n’y a encore personne en bas. Trouver un moyen d’atteindre la cuisine avec cette histoire d’ascenceurs et de portes fermées pourrait décourager une armée. Mais pas nous. On va enfin retrouver la team Meder/Préalpato et rencontrer Albert Adria, rien ne peut nous arrêter.

Installation de la salle sur le toit

Au dernier étage, le spot est incroyable. La terrasse surplombe les toits de Paris et tutoie la Tour Eiffel. Dans la salle du restaurant les Ombres, ils sont en pleine mise en place : Michel Lang est venu spécialement du Louis XV pour les quatre mois de la mission « Admo ». Sur la verrière, les ouvriers, assurés comme des alpinistes, nettoient les vitres. 

Dans les cuisines, ils se tiennent chaud

Juste en dessous de la salle des Ombres, les deux cuisines sont côte à côte. À gauche le chaud avec Romain Meder, Emmanuel Pilon et Fred Garnier, à droite l’équipe d’Albert Adria et la pâtisserie avec Jessica Préalpato. À l’arrière, entre les deux espaces, les caisses de grenades fraichement arrivées qu’il faut égrainer dans la foulée. Les cagettes de champignons viennent d’être livrées, Romain en prend une et l’amène à Albert pour qu’il puisse travailler les pleurotes qui ont été ramassées ce matin. 

En création non-stop

Les équipes sont en pleine mise en place pour l’ouverture aux clients demain. Pas de service aujourd’hui, on en profite pour avancer sur les préparations. Léo a préparé des pâtes pour le perso et je les mange au passe, mon endroit préféré, tout en prenant des notes : je n’échangerais ma place pour rien au monde… Du côté de Romain, les essais se multiplient tout au long de la journée. Tuiles, farces, sauces… On avance, on avance, on avance. 

La play-list est joyeuse

Il y a pas mal de nationalités différentes mais aujourd’hui c’est l’Italie qui gagne : Eros Ramazzotti rythme les taillages. Pour une veille d’ouverture, on a vu pire comme ambiance. Albert goûte les préparations de son équipe et demande des ajustements, puis il échange avec Romain et Jessica. Ils ont eu des soft-opening ces derniers jours, mais Albert attend maintenant le retour des clients. « C’est très important qu’ils soient contents mais aussi qu’ils comprennent que c’est un projet sérieux et que nous avons tous pris des risques. »

  

Dialogue de cuisine entre Albert Adria et Romain Meder : « Ce n’était pas si simple… »

Albert Adria : « Il n’était pas facile de partager cette expérimentation. Deux cuisiniers comme nous qui, ont déjà leur identité très aboutie et qui travaillent ensemble, ce n’est pas évident. Avant tout, il fallait laisser l’égo à la porte et c’est quelque chose qu’on a compris vite. C’était simple pour nous deux. »

« Il est important d’insister sur le fait que je suis ici invité par Alain Ducasse, accueilli dans la maison d’Alain et de Romain : c’est moi qui adapte mon travail à leur manière conceptuelle de travailler, c’est-à-dire la naturalité, les petits producteurs et le respect de la saisonnalité. Romain transmet l’émotion avec ce message. Il a fait venir ses producteurs ici, nous avons rencontré ceux qui fabriquent le beurre et le fromage. C’est lui qui m’a guidé sur le point de départ : on commence par faire le point sur ce qu’on a. L’idée d’ADMO, c’est que, puisque nous suivons la saisonnalité et les arrivages, cela va évoluer sur la durée : cela nous oblige à changer les plats. On aura des kakis pendant trois semaines, ensuite on fera autre chose. Cela nous pousse à continuer de créer pendant les cent jours.« 

« Ne pas servir de viande sur ADMO ?  En fait, je m’aperçois que cela m’intéresse plus de la manger mais que de la travailler, donc ça tombait bien. »

Albert Adria

Travailler ensemble

Albert Adria : « On a partagé nos idées et on a commencé à travailler. Le premier jour à Paris, nous ne sommes arrivés à rien… Ensuite, Romain est venu à Barcelone avec son équipe. On a eu plus de temps pour qu’il me montre son travail et que je commence à voir comment m’adapter à sa philosophie. Et là, au bout de quatre jours, c’était parti ! »

« On ne se connaissait pas, il fallait que chacun s’imprègne de l’univers de l’autre. Nous étions comme deux joueurs de foot qui n’ont pas l’habitude de jouer ensemble.« 

Romain Meder

Romain Meder : « Je n’arrivais pas à imaginer comment on allait marier les deux univers. Je savais que c’était possible, mais je ne visualisais pas facilement quelle forme ça allait prendre. On ne se connaissait pas, il fallait que chacun s’imprègne de l’univers de l’autre. Nous étions comme deux joueurs de foot qui n’ont pas l’habitude de jouer ensemble. Il faut du temps. Maintenant qu’on se connait bien, ça va très vite : jeudi ou vendredi on a fait un plat de Saint Jacques ensemble, très rapidement. Il y a dans ce plat autant de détails des deux univers. »

Premiers retours

Romain Meder : « Ce qu’on attendait notamment de la part des clients, c’est de savoir s’ils allaient chercher quel plat était de l’un ou de l’autre. Et cela n’aurait eu aucun sens. On a réussi sur ce point : j’ai plusieurs personnes qui m’ont demandé « Et ce plat, c’est d’Albert ou de toi ? » Preuve que l’objectif est atteint sur la fusion des deux univers.

« Des gens qui connaissent bien ma cuisine m’ont cité trois plats en me demandant si c’était « les miens » et j’étais heureux de répondre « aucun des trois ! »

Albert Adria

À suivre : Dans le magazine Numéro 11, découvrez les étapes concrètes du dialogue de cuisine entre Albert Adria et Romain Meder.

Copyright : Textes et photos sont la propriété de @lecoeurdeschefs, merci de ne pas réutiliser sans autorisation.

Projet ADMO : Albert Adria est l’invité d’Alain Ducasse / Romain Meder / Jessica Préalpato, et Vincent Chaperon (Chef de Cave Dom Pérignon) vient compléter l’équipe. Ouverture le 9 novembre 2021 pour 100 jours aux Ombres, le restaurant du Musée du quai Branly à Paris.

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