En 2017, à l’occasion des 100 ans du Petit Nice, nous avions cherché la photo la plus ancienne de l’établissement de Gérald Passédat et nous avions trouvé ce petit trésor, glissé en hommage dans le magazine Le Coeur des Chefs Numéro 2. Les grands pins prenaient place sur l’actuel parking et le tram roulait sur la Corniche. Retour sur un siècle d’histoire familiale.
« L’Anse de Maldormé : c’est là que j’ai appris à nager, c’est d’ici que tout est parti.». Dans les pas de son grand-père Germain puis de son père Jean-Paul, Gérald Passédat poursuit l’histoire familiale ancrée dans la Méditerranée. La villa Corinthe est achetée par Germain en 1917 et rebaptisée Petit Nice pour attirer les anglais sur la Corniche. La demeure est transformée en restaurant puis Germain et son épouse Lucie, cantatrice, y ajoutent des chambres. En 1954, Jean-Paul lui succède tout en poursuivant un moment sa carrière de chanteur d’opéra. Première étoile en 1977, deuxième en 1981. La suite, on la connait.
Germain vend tout pour acheter la Villa Corinthe
1917 : Germain, le grand-père de Gérald Passédat, est artisan pâtissier. À Marseille, il achète des boutiques de pâtisserie puis des guinguettes et des cabarets. Un jour, une comtesse, propriétaire de la Villa Corinthe, vient téléphoner dans le bar de Germain et discute avec son notaire de la vente de sa demeure en bord de mer, dans l’anse de Maldormé, face aux Iles du Frioul.
« Il a vendu tous ses biens pour acheter la villa qu’il transforme en restaurant et nomme le Petit Nice », raconte Gérald. Avec sa seconde épouse, Lucie, chanteuse lyrique, Germain fait prospérer l’affaire dans les années 20. Il y ajoute des chambres: « il avait déjà compris à l’époque, qu’il fallait compléter un restaurant par de l’hôtellerie. »
Les deux passions de Jean-Paul Passédat
« Quel est ce chant plein de tendresse,
(Gérald, « Lakmé » de Léo Delibes qui a inspiré son prénom au fils d’Albertine et Jean-Paul Passédat.)
Qui passe comme une caresse ? »
« En 1954, mon père, Jean-Paul, succède à Germain, mais continue à chanter régulièrement sur la scène de nombreux opéras, une passion héritée de ma grand-mère, la cantatrice Lucie Passédat. C’est d’ailleurs à l’opéra Lakmé, de Léo Delibes, que je dois mon prénom. » Mais Jean-Paul devra choisir entre ses deux passions : il poursuit l’aventure du Petit Nice et obtient deux étoiles en 1981.
Gérald reprend le flambeau
Le fils de Jean-Paul se forme chez les grands puis rejoint son père avant de prendre les commandes quelques années plus tard. Imprégné de sa cuisine d’enfance, du loup de sa grand-mère Lucie aux jus de tante Nia, ilprend un virage marqué vers une cuisine des profondeurs et décroche la troisième étoile en 2008.
La radicalité dans l’identité
Marseille sait ce qu’elle doit au cuisinier Gérald Passédat : En restant focus sur la mer, rien que la mer, le chef a tracé la voie d’une radicalité dans l’identité. Pas de compromis. Si on n’aime pas l’iode, on ne vient pas ici parce que c’est l’unique sujet et on le travaille à fond, par paliers. Ensuite, Gérald a intégré toute la technique des rôtisseurs Troisgros (chez qui il a été formé) et l’a adaptée au poisson : premièrement, il y a une cuisson optimale pour chaque pièce. Ensuite, comme pour la viande, on cuit et on laisse tirer : même temps de repos que de cuisson.
Mais surtout, il nous a appris que tous les poissons de Méditerranée sont merveilleux, si seulement on prend le temps de les comprendre pour les préparer. Ainsi, alors que tous les restaurateurs ne juraient que par la daurade et le loup, Gérald a sorti des profondeurs de nombreux poissons oubliés. Sans lui, personne ne ferait de pélamide aujourd’hui.
Et l’histoire continue.
La séance du spectateur de Gérald Passédat
Quand Gérald Passédat prépare un Saint Pierre au four, ce sont des goûts d’enfance qui reviennent à la surface. « J’ai envie de retrouver le goût du poisson de Lucie, ma grand-mère. Mon oncle Jésus était pêcheur, et c’était plutôt ma tante qui faisait les poissons de cette manière, dans son four de ménagère. Ce que j’appréciais le plus, le dimanche soir, après « La séance du spectateur », c’était de tremper le pain dans la lèche-frite. « La séance du spectateur » n’existe plus, mais le poisson au four, on recommence à le faire ! » Gérald Passédat
Photo d’ouverture, Photo ancienne Le Petit Nice : Droits achetés à la ©Collection Guzik.
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