Un Italien et un français, un restaurateur qui a épousé une cheffe et un chef qui est également restaurateur : à eux deux, Antonio Santini et Marc Haeberlin racontent bien l’état d’esprit de l’association Les Grandes Tables du Monde fondée en 1954. Chacun apporte au collectif. Et depuis, c’est toujours l’amitié qui rassemble les membres.
Les Grandes Tables du Monde ont 70 ans et évoluent avec leur temps, mais les rencontres et les échanges resteront les valeurs fondamentales d’un socle solide. Nous avons creusé les archives et parcouru les menus dans années 70, nous avons découvert les photos en noir et blanc des dîners de gala qui montraient à quel point les réunions de Tradition et Qualité respiraient déjà la joie de se retrouver. Cela chantait bien, même ! Depuis, l’association créée en 1954 a changé de nom et les virages successifs ont été pris, au même rythme que la gastronomie qui avançait à pas de géant. Les Grandes Tables du Monde ont gardé l’amitié comme point d’ancrage. Une valeur fondamentale qui lie les membres entre eux.
Le combo parfait
Avec Marc Haeberlin et Antonio Santini, nous avons retracé le parcours singulier d’une association qui a su traverser les décennies sans prendre une ride, en ayant même un coup d’avance sur les évolutions de la haute gastronomie. Il faut dire que David Sinapian a rassemblé autour de lui le combo parfait pour maintenir le cap : au sein du conseil d’administration, les piliers rappellent les valeurs fondatrices et la nouvelle garde entraine l’association dans son énergie. Et ça marche, tout le monde avance.
Le point commun ?
Sans nul doute, un niveau d’excellence sur tous les plans, où l’art du service et la gastronomie sont aussi importants l’un que l’autre. Logique, puisque l’association a été créée par six restaurateurs dans le Paris flamboyant des années 50*, mais qui ont été vite rejoints par de grands chefs propriétaires venus de toute la France, puis de l’étranger. La cuisine et l’hospitalité sont donc absolument sur le même plan. Mais pour Antonio Santini, la forte identité de chacun est également primordiale : « Lorsque nous nous penchons sur les candidatures de ceux qui souhaitent entrer dans l’association, nous sommes également attentifs à la singularité de leur maison. Il est fondamental que chaque membre ait une forte personnalité. À sa manière, chaque table représente son pays, sa cuisine et ses vins, et nous sommes riches de cette culture partagée. »
*Lire l’article « Des valeurs en fondation », lien en fin d’article.

« Notre association représente la grande histoire de la cuisine, en France et dans le monde. D’hier, d’aujourd’hui et de demain. Une histoire en marche ! »
Antonio Santini
Et si un restaurateur vous demande ce que l’association peut lui apporter ?
« Je lui dirais que c’est une chance d’échanger en toute amitié avec les plus grands chefs du monde sur l’évolution de la grande cuisine et la manière de recevoir, pour apprendre d’eux et construire des choses ensemble. Et j’ajouterais, comme Kennedy en 61, dans son discours d’investiture : “Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. “ Nous rejoindre avec l’idée que chacun peut apporter au collectif, voilà le bon état d’esprit. Chaque membre amène avec lui la richesse de sa réflexion et sa singularité. Car c’est bien tous ensemble que nous avançons. »
Premier dîner de gala aux Crayères : « Je me souviens de notre premier repas de gala, à l’occasion de notre entrée dans l’association Tradition et Qualité, en 1992 aux Crayères, à Reims. Avec mon épouse, nous avons tout de suite réalisé la chance que nous avions de partager notre table avec tous ces grands chefs. Depuis, l’amitié entre nous tous n’a fait que croître. »
Antonio Santini
La haute gastronomie en mouvement
« Autrefois, dans un grand restaurant, il était impensable de voir une table sans nappe ou de venir sans cravate. Aujourd’hui, ces établissements où le service est plus léger sont également de très grandes maisons. La différence entre un restaurant et une grande table tient à sa personnalité et à l’harmonie parfaite entre le savoir-faire du chef et l’art de recevoir. L’association suit le mouvement de la cuisine mondiale, et cela nous pousse à aller de l’avant. »
Antonio Santini
Le rôle d’un restaurateur
« Le rôle d’un restaurateur, c’est de se tenir prêt à tout donner à son client en tentant d’être au niveau de son attente. Lui faire passer un moment qui restera dans l’histoire de sa vie, avec une cuisine et un service qui lui font passer un bon moment. Qui restera dans l’histoire de sa vie. Un moment de plaisir de culture, de la table où chacun va donner quelque chose de particulier. » Antonio Santini
Marc Haeberlin, L’auberge de l’Ill


« Depuis toujours, ce n’est pas le côté business qui nous importe, mais l’amitié. À chaque rencontre, nous sommes heureux de nous revoir et d’échanger ensemble. »
Marc Haeberlin
Les moments forts de Marc Haeberlin
« J’ai été Président pendant une douzaine d’années et je me souviens que pour mon premier discours en 2001, je tremblais comme une feuille de devoir parler devant ces monstres sacrés ! Nous avons vécu des moments incroyables lorsque nous avons honoré Gaston Lenôtre, Paul Bocuse ou Annie Feolde. Pour perdurer, nous avions besoin que l’association avance avec son temps et David Sinapian a pris ma suite en étant plus en phase avec la génération d’internet avec de nouveaux moyens pour mettre nos membres en avant. »
70 ans des Grandes Tables du Monde : L’idée de départ
« André Terrail expliquait que l’association était une sorte de “Jockey Club de la haute restauration“. Ils s’envoyaient leurs meilleurs clients qui faisaient tamponner leur guide à chaque passage dans un restaurant. Au bout de douze, ils recevaient une caisse de champagne. Aujourd’hui, ce sont plutôt les collaborateurs que nous nous adressons les uns les autres ! Très vite, l’association s’est ouverte à la province puis à l’étranger. L’association créée au départ par quelques restaurateurs parisiens s’est étoffée de chefs propriétaires, à commencer par Raymond Thuillier en 1956. On se retrouvait pour faire la fête et tout le monde chantait. De ces valeurs fondatrices, nous avons gardé l’amitié. C’est je crois Georges Blanc qui a eu l’idée d’abandonner le nom de “Tradition et qualité“, un peu galvaudé et d’identifier l’association avec un nom toujours très actuel : Les Grandes Tables du Monde. »
« Le point commun de tous les membres à travers le monde ? Mettre en avant le grand service et la haute gastronomie, chacun à sa manière. »
Marc Haeberlin
Monsieur Paul et le chauffeur de bus : « En 2001 à Paris, nous avions réservé un bateau sur la Seine pour notre gala, et il fallait donc être à l’heure. Pour nous rendre à l’embarcadère, nous avions loué un vieux bus à étage. Paul Bocuse s’est assis à côté du chauffeur et lui a demandé de faire trois fois le tour de la Place de l’Étoile pour faire plaisir à tous nos confrères étrangers qui venaient à Paris pour la première fois. Nous avons bien failli être en retard ! »
Marc Haeberlin
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Retrouvez également notre dossier Les Grandes Tables du Monde dans la revue N°6 Automne-Hiver 2019/ 2020
Revue du Coeur des Chefs – Parution n°6 – Automne/Hiver 2019-2020
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