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Livre de chef : Michel Sarran

by Anne Garabedian
Livre de Chef : Sarran

Avec sa couverture cartonnée orange et sa tranche de cahiers cousus visibles, le livre « Sarran » est un ovni, tant dans son apparence que dans sa conception. Il se mérite et vaut la peine de s’y enfouir. Dans une sorte de dialogue entre images et textes inspirés, le chef répond à une dégustation de ses plats en nous glissant quelques messages qui font avancer la réflexion.

Livre de chef : Sarran 2

Géraldine Pellé y raconte ses ressentis vis à vis de chaque assiette. Ce qu’elle voit, ce qu’elle goûte, elle le raconte à sa manière dans le sens chronologique de la dégustation. Quand elle découvre une texture cachée, qui change son appréhension du plat, elle revient en arrière :

« L’inattendu arrive si tard (…), quand on ne s’y attend plus. Je me suis trop fiée aux apparences. »

On suit pas à pas ses découvertes et comme si le chef répondait à ses impressions, les citations de Michel Sarran (en blanc dans le texte) expliquent ses cheminements. L’allaiton de l’Aveyron est pané dans une chapelure d’herbes et de thé Matcha.

« C’est magique, le vert en cuisine. On l’a souvent froid. Ce vert chaud, très puissant, (qui entoure l’agneau comme un velours), on le voit rarement. »

 

Le cuisinier distribue les rôles

Sur le produit « qui ne doit pas dicter l’assiette », le chef livre des pistes à explorer. Quand il parle de la truffe, on perçoit son côté challenge : « c’est le produit le plus difficile à dompter. Peu de produits ont autant de personnalité. »

Et c’est là, lorsque Michel dose l’anchois dans sa crème de fenouil, qu’il rappelle que c’est « le geste du cuisinier qui distribue les rôles. Tu dis à l’anchois : Eh ! Toi tu te calmes. Tu vas apporter un peu de douceur. Tu commandes ce que tu veux, c’est toi qui fais le casting. »

Sarran remet le cuisinier au centre de l’action. S’il veut que le produit soit en valeur et qu’on ne sente que lui, c’est sa décision. Ce n’est pas le produit qui décide de tout. (C’est vrai, quoi !)

 

Les frontières ouvertes du terroir

Sur « la sole et capelletti au pas de l’Escalette », le chef aborde l’identité du cuisinier par rapport à son terroir : «Si t’es italien, tu peux penser que le point central est le cappelletti. Si tu es français, tu peux penser que c’est la sole.

Un chef étoilé Michelin en Italie peut faire un plat de pâtes. Ici, si je fais un plat de pâtes, on va me dire que c’est hors-sujet, que ce n’est pas ma culture. Tu vois, tu pars de l’Italie et il faut arriver à Toulouse… En même temps, c’est mon identité, il y a un peu de tout. »

Enfin, sur le sujet de l’influence des frontières ouvertes et des voyages fréquents, il nous soumet une réflexion sur l’évolution de la cuisine française : « J’ai un pigeon rôti avec des petits pois à la française dans mon patrimoine culinaire – Escoffier et compagnie… Et aujourd’hui, Escoffier, il ferait quoi ? »

Les images d’Anne-Emmanuelle Thion installent dans chaque chapitre et auprès de chaque recette une ambiance propice au plat : paysages, matières et températures de saison.

Pour « Le chocolat, truffe noire, foin », ce sera le garrot du cheval, le foin, les rochers et les couleurs de terre profonde. On doit se plonger dans le livre pour le décoder, l’ouvrage ne se livre pas tout seul ce qui le rend d’autant plus intriguant.

Et s’il reconnait que cette voie ouverte par Géraldine Pellé « l’effrayait un peu au départ », le chef « se sent bien dans ces pages : elles reflètent totalement ce que je suis ». Chaque image doit certainement avoir un écho particulier, intime, avec Michel Sarran : on aimerait en seconde lecture feuilleter ces 400 pages avec lui pour qu’il légende une à une les photos illustrant ses itinéraires gustatifs. Michel, où donne t’elle, cette porte page 273 ?

Livre de chef : Sarran 3

« Sarran, Itinéraires de goûts » de Michel Sarran, Textes de Géraldine Pellé, photos d’Anne-Emmanuelle Thion – Editions Glénat –

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