« Ici, le produit est à base de tout ».
Quel meilleur ambassadeur que René Meilleur pour nous décrire la cuisine de montagne et nous expliquer comment la préserver ?
Il fallait d’une part un Conservatoire pour recenser le patrimoine, retracer les grandes lignes de l’histoire des produits et des recettes de famille, et de l’autre découvrir de jeunes chefs qui ont tout compris de cet état d’esprit et construisent une voie complémentaire pleine de talent.
Enfin, confronter amicalement deux visions, Aribert et Loubet, juste pour le plaisir…
« En montagne, nous avons une tradition plutôt orale de la cuisine. Chacun avait peut-être son cahier de recettes dans le tiroir, mais la plupart du temps on n’a pas su garder ces écrits. Avec le Conservatoire, l’idée est de les recueillir auprès des familles et des chefs, et les regrouper dans un livre qui devienne une référence de notre cuisine afin de décrire à la fois nos produits et la vie que nous avons ici.
Nous avons déjà collecté quelques cahiers entiers et des photocopies qui nous sont envoyés à la Bouitte où nous regroupons toutes ces archives. Au-delà des recettes, on retrouve une manière de cuisiner personnelle à nos montagnes, notamment une cuisson à la cheminée ou sur le coin du fourneau et une tradition du mijotage. Beaucoup de plats se ressemblent (les rissoles, les ragoûts d’agneau, la cruche…) et cela montre qu’il y a ici une identité à part. »
L’an dernier, le farcement était à l’honneur de Toquicîmes.
« Cette année, il y aura un concours de rissoles : elles ont toujours existé en montagne. Traditionnellement, on les offre aux gens qui viennent nous voir. Dans ma vallée, elles étaient réalisées le jour de la fête du village. Chacun a sa recette : chez moi, la pâte peut ressembler à la texture d’un biscuit de Savoie un peu feuilleté garni de crème pâtissière au safran. D’autres sont aux marrons ou encore aux épices. Autre spécialité, la cruche savoyarde est un gâteau qui rappelle un peu le sablé breton. Quand on cuit le beurre et qu’on le pousse noisette, l’écume que l’on récupère est mélangée avec de la farine et du sucre. Pour moi, c’est le goût de l’enfance. »
Alléger en gardant le beurre…
« Notre défi avec Maxime, c’est de ramener à La Bouitte les produits de toute la montagne et de faire plaisir à nos clients. Alors bien sûr, on essaie de faire une cuisine plus délicate. Autrefois, les gens fauchaient le foin du matin au soir, et il fallait les nourrir. Aujourd’hui il faut reconnaître qu’on ne fauche plus, donc on va essayer d’alléger les choses mais sans supprimer le beurre. À la montagne, le beurre est un mode de cuisson, un exhausteur de goût. »
Les crozets
« Ce sont des pâtes de seigle qui représentent vraiment nos montagnes. A La Bouitte, nous les réalisons avec du sarrasin, une céréale noble qui se tient bien sur ce type de préparation. Ils sont bien plus fins que ceux que vous trouvez dans le commerce. Il faut les cuire rapidement et les sortir immédiatement pour qu’ils ne se gorgent pas d’eau et les servir avec un beurre noisette et une émulsion de Beaufort. »
Au couteau, sinon rien…
« Bien sûr, les recettes plus récentes méritent d’être travaillées. Nous avons même en amuse-bouche une raclette réinterprétée. Mais autrefois, on n’aurait jamais fait fondre du fromage, ou alors à peine sur un gratin. Le cuire était une aberration dans notre vallée : le fromage était un produit trop noble. C’était au couteau, sinon rien, à la limite avec une pomme de terre. Nous n’avions beaucoup de pain frais, donc on mangeait souvent une soupe, une pomme et du fromage au couteau. Aujourd’hui nous avons gardé ce respect du produit : A La Bouitte, 30 à 40 sortes de fromages sont présentées sur une tour constituée de quatre plateaux. »
La recette de la Cruche de Grand-Mère Gisèle (Gisèle : maman de René et grand-mère de Maxime)
Ingrédients :
110 g de beurre, 160 g de farine, une grosse pincée de fleur de sel, 42 g de sucre.
Préparation :
Dans une casserole, faites fondre le beurre sur feu moyen, laissez-le mousser. Lorsqu’il ne mousse plus, ajoutez la farine, la fleur de sel puis le sucre. Mélangez et laissez cuire jusqu’à l’obtention d’une couleur brune. Versez dans un moule, laissez bien refroidir. Démoulez et servez avec le café ou les infusions en découpant la cruche en petites tranches.
Appel à recettes : Afin de participer au travail d’archive du Conservatoire de Cuisine de Montagne, vos cahiers et recettes peuvent être envoyés à La Bouitte. Hameau de St Marcel, 73440, Saint-Martin de Belleville.
Crédits photo
La Bouitte :
©M.Cellard, ©P. Dureuil, ©Marc Berenguer.
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