Accueil Chefs Les Grandes Tables du Monde (3/4) – Une vision partagée

Les Grandes Tables du Monde (3/4) – Une vision partagée

by Le Cœur des Chefs

Au menu de ce dossier spécial, les ingrédients d’une recette bougrement vivante : Fondations, action au présent, vision des membres et développement à l’international.

Sommaire :

Sur la définition d’une grande table, les membres sont unanimes. Au-delà de la cuisine, c’est « l’expérience » que les clients viennent chercher. Dans le respect et l’admiration des identités culinaires des autres, ils affirment que la qualité de l’assiette ne peut à elle seule justifier son adhésion. Ce qui fait un grand restaurant est ailleurs, bien au-delà. D’ailleurs, chez ceux que nous avons interrogés, l’accueil et l’art de recevoir passent avant toutes choses.

Serge Schaal :

La Fourchette des Ducs, Obernai en Alsace : Serge Schaal (salle) et Nicolas Stamm (cuisine), travaillent ensemble depuis 1998.

« Un grand restaurant est un lieu où l’on vit une expérience hors du temps. On y trouve un supplément d’âme difficile à décrire. Il y a l’assiette, mais il y a surtout l’émotion apportée aux gens. Le client doit se sentir vivre un moment privilégié sans se rendre compte que toute l’équipe est au travail pour le satisfaire. Par contre, on ne peut plus avoir la même attitude au service qu’il y a 40 ans. Nous avons besoin de casser les codes et d’apporter plus de simplicité et de naturel, se positionner au moment juste, être de plus en plus discret et fuir cette attitude de garde-à-vous pour ne pas effrayer la nouvelle génération. »

La salle donne le tempo

« C’est au passe que tout se passe ». C’est la salle qui doit s’imposer et donner le tempo. Ce n’est pas la cuisine qui dresse puis appelle le service, c’est la salle qui maîtrise le rythme et demande les envois. Je me suis toujours battu pour que la salle ait autant d’importance que la cuisine. Ça ne me dérange pas que les chefs soient plus médiatisés, mais au travail tout le monde est sur le même plan. Ça n’a pas été si simple au début : Nicolas a appris dans les grandes brigades, il a été formaté par une cuisine qui décide de tout. Moi l’ex-ingénieur environnement, qui ai choisi ce métier par passion, je n’avais pas les codes. Aujourd’hui on échange énormément, je comprends la logique de la cuisine et de chaque plat. De son côté, Nicolas sait que si les clients reviennent, c’est qu’ils ont été conquis par notre accueil. »

Les valeurs fondamentales

« C’est l’association à laquelle on rêvait d’appartenir, qui comprend les plus beaux établissements du monde. Nous restons très fiers de ces fondations françaises. Si tant d’étrangers souhaitent nous rejoindre aujourd’hui, c’est parce que le cœur de l’association bat en France.  Avec l’ensemble des membres, nous avons en commun cette manière de travailler dans l’excellence. Chacun est un ambassadeur de son territoire avec sa propre interprétation. Quand on se retrouve au congrès, nous avons tous le même regard de bienveillance et d’équité vis-à-vis des autres. Le plus jeune est admiratif du travail du plus sage, lui-même heureux de voir arriver une nouvelle génération dynamique. L’égalité dans la diversité, c’est ce message que doit porter notre association. »

Maryse Trama

Maryse et Michel Trama, installés à Puymirol (Lot-et-Garonne) depuis 1978.

« L’évolution de l’association s’est faite petit à petit, sans brutalité. Doucement, nous nous sommes mis au diapason de la société. Quand je suis entrée en 2000, on ne parlait pas des réseaux sociaux. Aujourd’hui, ils sont notre meilleur moyen être connus et reconnus à l’international. Nous sommes le reflet de la haute gastronomie en représentant l’ensemble des métiers de la grande restauration. Et en même temps, nous devons rester dans l’état d’esprit d’un club d’amitié. »

Savoir recevoir

« Accueillir, c’est ce qui fait une grande maison. Les clients doivent se sentir bien dès qu’ils mettent un pied chez vous et même avant : dès le premier coup de fil ! Une grande table, c’est une expérience inédite qui vous procure des émotions. C’est un peu comme si on assistait à un grand opéra : on s’assoit, on est à votre écoute, on vous parle, on vous touche, tout en restant très simple dans cet accueil et cette gentillesse. »

Le challenge collectif est mondial

« Je suis ravie qu’il y ait de plus en plus de candidatures qui arrivent des quatre coins du monde. Il faut reconnaître qu’en France nous sommes très gâtés de produits, de terroirs et de cuisine. Alors accueillir ces tables étrangères talentueuses dans l’association crée une émulation et nous permet aussi de devenir meilleurs. »

Et demain ?

« La fidélité des voyageurs doit être mise en avant. De la même manière que nous échangeons nos apprentis entre maisons, nous devons faire balader nos clients de table en table. Nous devons également continuer à nous impliquer dans les grands sujets sociaux et environnementaux de notre époque comme aujourd’hui la parité et demain la sauvegarde des océans. Nous avons commencé à prendre la parole, nous allons la garder ! »

La passion intégralement partagée

« Souvent, les épouses de cuisiniers travaillaient dans l’ombre et quasi bénévolement. Avec Michel, on travaille autant l’un que l’autre : on s’investit à fond depuis 41 ans et c’est 50/50. La parité commence comme ça, chacun dans sa maison. Nous avons eu tous les succès, à Puymirol. Le secret, c’est le travail et la complicité. Tous les deux, nous n’avons vécu que pour la passion de ce métier. Je vois et j’entends toute cette nouvelle génération de cuisiniers talentueux et acharnés. Je crois que le combat est encore plus dur aujourd’hui. Mais nous étions moins pressés autrefois. »

Alexandre Gauthier, (La Grenouillère, La Madelaine-sous-Montreuil)

Alexandre Gauthier

« Une grande table doit garder le mouvement pour être de son temps et ne pas seulement répondre à une attente culinaire. Ce doit être un acteur et une conscience locale investie sur tous les sujets qu’elle aborde. C’est une joie et une fierté de faire partie de ce club mythique des Grandes Tables du Monde. Et c’est aussi un devoir de constance et de mouvement permanent. Nous devons être une association d’aujourd’hui, qui prend en compte des grands sujets de société tout en essayant d’y apporter des réponses. Si chaque membre prend conscience que cette association est une force, alors nous pourrons agir plus facilement et efficacement tous ensemble, plutôt que chacun de notre côté. »  

Birgit et Heinz Reitbauer (Steirereck im Stadtpark, Vienne, Autriche.)

Birgit et Heinz Reitbauer

« A une grande table, on vit une expérience globale dont le socle reste la cuisine mais qui prend en compte tous ces détails qui ne font plus qu’un, pour que nos clients soient dans une atmosphère incroyable : tout d’abord l’émotion transmise par nos équipes, mais également la lumière ou l’art de la table. Si Alain Chapel était là, (Heinz Reitbauer a été l’élève de Chapel à Mionnay au début des années 90), il serait sans doute très surpris que nous attachions autant d’importance à cet ensemble d’éléments qui construisent une expérience gastronomique dans sa totalité, lui qui se concentrait entièrement sur la cuisine. Il serait également étonné de voir combien nos clients aiment partager chaque étape du quotidien avec le reste de la planète. Dans ce monde médiatique, rien ne passe inaperçu. D’où l’importance d’affirmer la personnalité unique de nos établissements et d’offrir à nos clients un moment qu’ils ne vivront nulle part ailleurs. »

RETROUVER LES AUTRES ARTICLES DES GRANDES DU MONDE CI-DESSOUS

1/Des valeurs en fondation : L’amitié et l’excellence (y compris Les prises de paroles): ICI

2/Les virages nécessaires / David Sinapian : ICI

4/Riches de nos différences : Le développement international: ICI

Crédits photo
Dossier Les Grandes Tables du Monde :
©Kris Maccotta, ©La Fourchette des Ducs, ©Marie Pierre Morel, ©Restaurant Michel Trama, ©Restaurant
Steirereck, ©Paolo Terzi, ©Scott Wright, © Restaurant Sat Bains ,©Restaurant Le Normandie.

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