Dans son combat pour instaurer une « alimentation du bon sens”, apprendre et faire apprendre le bien manger est le premier maillon de la chaîne, selon Guillaume Gomez. À l’hiver 2021, notre Ambassadeur de la Gastronomie nous racontait l’importance de l’éducation à l’alimentation via notamment la transmission de nos identités culinaires régionales. C’est l’une de ses nombreuses batailles, un chantier qui prend place dès la cantine et jusqu’aux pianos des écoles hôtelières. En complément, Guillaume prend la parole sur la transmission des métiers de la restauration où nous avons aussi un peu de travail… Alors on se retrousse les manches et on y va !
La cantine, premier lieu de l’éducation au goût
Ce n’est pas un secret, beaucoup de cantines doivent évoluer. C’est loin d’être un tabou pour Guillaume et selon lui, les exemples vertueux ne manquent pas : “Il y a des personnes dans les cantines et plus généralement en cuisine collective qui font du très bon travail. Il faut les mettre en avant. Aller plus loin nécessitera des efforts, des investissements et de la formation.”
Un investissement qui en vaut la peine
“Il faut former et expliquer qu’à partir du moment où on lutte contre le gaspillage, on y gagne. Quand une partie s’en va à la poubelle, c’est raté. Au lieu d’en jeter la moitié, je préfère mettre cet argent sur le prix de départ pour avoir une meilleure qualité et travailler localement avec nos producteurs. Ça prend un petit peu de temps, c’est un investissement pour évoluer et faire en sorte que nos enfants mangent mieux. Et c’est possible. Ce n’est pas une utopie, on a des exemples très concrets où ça fonctionne très bien. J’ai vu des cantines qui ne font que du Bio et des communes qui ont mis de vrais chefs à leur tête. Dans ces cas-là, les enfants se lèvent pour demander à se resservir.»
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La volaille et le pain d’à côté
« Il faudrait raccourcir la distance entre les producteurs et la cuisine. Aller tout près, c’est plus simple et bien meilleur. Si, village par village, commune par commune, département par département, on va voir les éleveurs et on leur dit : “pouvez-vous nous livrer chacun vingt volailles fermières de qualité“, je suis sûr qu’ils pourront. Pourquoi si peu de boulangers de villages livrent les écoles qui se trouvent à proximité ? Qu’on ne me dise pas que c’est trop compliqué : c’est juste une question de bon sens et de volonté. »
Une aide alimentaire basée sur le modèle français
« L’éducation à l’alimentation ne peut plus être détachée de la santé. Dans les organisations caritatives, il faut répondre à l’urgence, mais il ne faut pas s’arrêter là. L’aide que l’on donne aux gens doit être basée sur le modèle alimentaire français. L’idée de Coluche, au départ, c’était de faire un restaurant. Certaines associations vont plus loin en apportant de l’aide alimentaire mais en demandant aux bénéficiaires de rester plus longtemps afin de recevoir également une éducation à l’alimentation qui va les aider sur le long terme. »
La transmission du métier de cuisinier :
“La chaîne de transmission a déraillée”
“A quel moment, dans les formations, a-t-on privilégié les normes sanitaires administratives à la transmission des savoir-faire essentiels ? Ce qui est sûr, c’est qu’aucun restaurant ne fonctionne de la même manière et enseigner cette pluralité n’est pas évident. Le programme des formations ne correspond pas non plus à l’envie de nos jeunes apprenants qui peuvent être intéressés par un projet environnemental ou souhaitent se perfectionner sur les pratiques anti gaspi… Il faut prendre tout ça en compte. Entre les besoins de la profession, la motivation des étudiants et la conscience des enseignants (qui parfois ne sont pas passés par le monde professionnel), trouver le bon équilibre est difficile : c’est un vrai casse-tête ! »
Que les enseignants et les entreprises se parlent !
« D’un côté, on se dit que ce n’est pas la peine d’apprendre des choses qui ne se feront plus à l’avenir, mais de l’autre, certains chefs regrettent que les élèves ne sachent pas faire une découpe, de moins en moins pratiqué dans les restaurants. (Heureusement, cela revient !) Dans tous les cas, il ne faut pas s’opposer les uns aux autres : Il faut se parler. »
Aller prendre l’air en Europe ?
« Ce serait bien d’envisager un Erasmus de l’apprentissage pour les jeunes cuisiniers et cuisinières, pour qu’ils aillent se former en Europe. Un jeune pourrait aller faire 4 mois de stage en Italie pour développer sa culture du pain afin d’en retirer une expérience enrichie d’une ouverture sur les langues. On a fait des chantiers pilotes avec un lycée de Toulouse qui envoie ses élèves en Espagne et on a porté ce projet au niveau des instances européennes pour développer ces échanges.”
Garder nos passionnés
« Aujourd’hui encore, la réalité du métier peut démotiver les jeunes. On se rend compte que certains arrivent passionnés mais s’en vont au bout de quelques mois. On a 964 000 emplois dans notre métier, 300 000 créations de postes par an, ça veut dire un turn over de 100% tous les 3 ans. Le vrai chiffre c’est 18 mois : Un jeune qui entre dans le métier aujourd’hui le quitte 18 mois plus tard. Il y a un contraste entre la réalité du métier et l’image qu’ils s’en font. Face à ça, il n’y a pas trente-six solutions : soit ils se font une raison, leur passion est plus forte et ils vont s’accrocher, soit ils laissent tomber. À nous de travailler pour que les conditions de travail soient moins difficiles. Une fois de plus il ne s’agit d’opposer des modèles, mais de changer les choses. Il faut donner du sens et proposer des projets.”