Accueil Actualités Tous « océan-responsables » : Alexandra Cousteau / Alain Ducasse

Tous « océan-responsables » : Alexandra Cousteau / Alain Ducasse

by Anne Garabedian
Afin d’inciter les 5000 chefs participants à s’engager pour une cuisine plus responsable, l’événement Goût de/Good France a souhaité cette année s’engager aux côtés de la fondation « No More Plastic» incarnée par Alexandra Cousteau qui œuvre pour la protection des océans et la réduction du plastique. La petite fille du Commandant a été accueillie par Alain Ducasse au Meurice pour échanger sur les dangers écologiques qui nous menacent. L’un et l’autre sont convaincus de la responsabilité des chefs pour préserver nos ressources marines.

C’est une rencontre capitale qui prend la forme d’un passage de relais. Sur la grande table d’hôte, face à la cuisine de Jocelyn Herland, Alain Ducasse accueille Alexandra Cousteau. Cette spécialiste de l’océan est capable de dresser un bilan lucide et juste des dangers qui menacent la planète à court et long terme. Le chef, fédérateur de tout un mouvement de cuisiniers militants, sait comment partager ses engagements et encourager des mutations profondes dans notre alimentation :« Chaque consommateur est en droit de savoir ce qu’il mange. Nous devons être modèle et montrer l’exemple. C’est possible parce-que c’est une décision que l’on prend et que l’on acte. Il y a d’une part la prise de conscience et de l’autre la prise de décision. Maintenant, il faut être démonstratif et agir. Et les effets vont suivre, automatiquement, même s’ils mettent du temps à s’installer. »

Privilégier les petits poissons

 Alexandra Cousteau est tout à fait consciente de l’influence incontestable des cuisiniers dans notre alimentation : « Les chefs ont un rôle important : celui de nourrir les gens. Leurs décisions auront donc un impact capital et entraîneront des répercussions positives sur les ressources de demain. »En communiquant sur leurs menus engagés et leur état d’esprit militant, en mettant à leur table des produits de pêche responsable et le revendiquant, les chefs lancent des tendances qui peuvent faire bouger les lignes et Alexandra Cousteau sait quels messages doivent être entendus en urgence : « Les gros poissons ont diminué de 90 % sur ces vingt dernières années. Chacun doit se poser la question : “est-ce que je veux manger ce poisson qui est en voie de disparition ? “Il faudrait encourager les cuisiniers à privilégier les petits poissons et les inciter à cuisiner les algues. »

Le fameux « carpaccio de mulet » !

« Il faut des décennies pour réparer les dégâts des fonds marins ont été détruits mais il y a pire encore : quand des espèces ont disparu, il est trop tard », s’inquiète Alain Ducasse. « Nous devons apprendre à travailler les poissons plus communs, ou ceux qui sont à des profondeurs différentes. Pour le mariage du Prince Albert à Monaco, nous avions décidé de servir une bouillabaisse de petits poissons et un carpaccio de mulet : ce dernier n’a pas été facile à imposer, les a priori étaient considérables. Mais nous l’avons fait et nous en avons été félicités le lendemain. Pour moi, il n’y pas vraiment de produits « modestes » : je suis totalement fan d’un maquereau ou d’un chinchard, c’est magnifique. Nous devons développer la cuisine de ces poissons bleus. »

[columns size= »1/2″ last= »false »][/columns][columns size= »1/2″ last= »true »][/columns]

L’emballage en question

« Le monde de la restauration se doit d’être totalement concerné par le sujet du plastique », explique Alexandra Cousteau. « En Méditerranée, qui est un milieu fermé, les micro-plastiques sont quatre fois plus nombreux qu’ailleurs. Dans la mer, le plastique se charge de toxines diverses et contamine les animaux marins qui les ingèrent. Le taux de toxines augmente et se concentre de plus en plus au fur et à mesure que l’on remonte la chaîne alimentaire, jusqu’à atteindre l’Homme puisqu’on le trouve dans le poisson que nous mangeons ou dans notre sel de table. »

Sauf que le plastique à usage unique est encore extrêmement présent et très utilisé notamment au moment de la livraison des produits par les fournisseurs : « Il va être difficile de changer rapidement ces procédures très normées sur le plan sanitaire », reconnaît Alain Ducasse.  « Par contre, les cuisiniers peuvent agir sur leurs commandes. Être responsable, c’est acheter uniquement ce qui est acceptable éthiquement et notamment des poissons de pêche durable.Il suffit de le décider, puis de faire ce qu’on a dit. » Et Le chef, sûr de l’engagement futur de la profession, ajoute :« La prise de conscience est effective et ne peut pas rester lettre morte. J’ai confiance en l’individu et sa capacité à se réguler pour préserver ses ressources. »

« On va le faire ! »

 Alain Ducasse : « Nous devons accompagner les clients dans cette voie. Ainsi, le consommateur sera lui-même véhicule de ces messages que nous aurons portés. Décidons de mettre en avant certains poissons sur nos tables ou d’ouvrir une voie sur l’utilisation des algues : si chaque chef joue le jeu dans sa maison, si on le fait dans nos cuisines et nos écoles, d’autres vont suivre et les consommateurs aussi. »

Alexandra Cousteau : « Ça, ce serait vraiment un acte fort ! »

Alain Ducasse : « Eh bien, on va le faire ! » 

Alexandra Cousteau

Pour un agenda de « régénération »

« Plus de poissons et moins de plastique » : voici résumé en quelques mots le combat d’Alexandra Cousteau. Nommée Ambassadrice de la Terre par les Nations Unies, la petite fille de Jacques-Yves Cousteau a également reçu le prix Emergent Explorer par le National Geographic dans le cadre de son combat pour l’eau.

« Je suis la troisième génération d’une famille qui est profondément attachée à la défense du monde marin depuis 1950. Mon grand-père a connu des océans abondants, plein de vie et propres. Nous avons perdu aujourd’hui 50% de ce capital naturel. Le travail de mon père Philippe a permis de nous sensibiliser et d’entrer dans une logique de conservation. Mais aujourd’hui cette seule volonté de « préserver l’existant » ne suffit plus. Nous devons aller plus loin et construire un agenda de « régénération. »

Si rien ne change, d’ici 2050, il y aura plus de plastique que de poissons dans l’océan.

« Nous l’affirmons depuis déjà quelques années et malheureusement cette échéance n’a pas bougé. Mais je ne souhaite pas rester sur ce constat alarmiste. Nous ne devons pas regarder dans le vide mais imaginer l’avenir ensemble. Je préfère mobiliser le public sur des actions concrètes qui doivent être programmées dans le temps pour tenter d’inverser cette tendance. Par contre, c’est un vrai planning : il faudra s’y tenir si l’on veut que ça marche ! »

Les actions concrètes à mener selon Alexandra Cousteau :

  • Elargir la liste des espèces protégées
  • Apporter des nuances géographiques (certaines populations de poissons sont à préserver dans certaines régions et à réduire dans d’autres)
  • Respecter les périodes de reproductions pour restaurer les populations
  • Respecter les quotas scientifiques de pêche (harengs et haddocks, morues polaires, sévèrement menacés dans les années 80/90, font leur retour grâce aux quotas imposés)
  • Minimiser le « by catch » (poissons capturés involontairement dans les filets puis rejetés à la mer)
  • Entamer la régénération des océans en replantant des fonds sous-marins (Soutenir les initiatives de type Ocean Farms de Bren Smith)
  • Trouver des alternatives à l’usage du plastique à usage unique: 8 millions de tonnes de plastique finissent dans l’océan chaque année.

Pour aller plus loin : https://www.nomoreplastic.co/

Plongez avec nous dans « Goût de France »  :

Article 2 : Gabin Bouguet et Olivier Da Silva « Grandir ensemble » (Duo de Collectionneurs)

Article 3 : Les dîners complices « Les producteurs prennent les commandes » (Collège Culinaire de France)

Article 4 : Destination à l’honneur « La Provence, un nouveau souffle »

#goutdefrance #goodfrance

 

Vous pourriez aimer aussi...

Laisser un commentaire

2 × 1 =