Une plongée dans l’histoire croisée de la gastronomie et de la ville de Paris du Moyen-Âge jusqu’à nos jours. Des banquets fastueux aux Halles Baltard, des majestueux « surtouts de table » aux assiettes d’Alain Passard, des menus des premiers restaurants jusqu’aux ardoises des troquets de la capitale : comme si vous y étiez, nous vous emmenons visiter cette exposition incontournable dressée dans le cadre monumental de la partie gothique de la Conciergerie à Paris (Salle des Gens d’Armes, construite dès 1302 sous Philippe le Bel).
Pour commencer, cet article vous invite à saisir les objectifs de l’exposition et ses pièces maîtresses. En fin de page, vous trouverez également un lien vers le film de 8 minutes pour permettant de déambuler dans l’exposition.
La gastro-diplomatie
On aborde dès le départ le sens diplomatique d’un accueil politique à travers ce que l’on offre à boire et à manger aux hôtes de la France (un angle passionnant bien abordé dans l’ouvrage « À la table des Présidents » de Guillaume Gomez). Mais ici, on démarre au Moyen-âge avec les premiers banquets, et notamment celui de 1378, Charles V au Palais de la Cité, dont nous voyons le menu original.
Le menu original du banquet de 1378
C’est Guillaume Tirel qui dirige les cuisines et sert pour 800 convives un premier service composé de potages, de civets d’huîtres et d’oies salées, puis en deuxième services les viandes rôties, « les poissons de mer d’eau douce en grand nombre et de plusieurs sortes », les anguilles « sucrées à la boue », les brouets de chapon. En troisième service arrivent les lapins farcis et dorés, les « haricots et lait lardé », les « tartes sucrées bourrées à la sauce chaude » et les « chapons pélerins à la dodine ». Ah oui et pour finir, les épaules de mouton farcies. Entre autres. Pour des gens comme nous, ce menu original, c’est un peu le Graal…
Les éditions rares des ouvrages importants
On enchaîne avec l’accueil de Catherine de Medicis en 1549 (avec moult paons, grues, cygnes, lapereaux, poules, cailles, chevreaux, aigrettes, chapons à bouillir, cochons et autres pigeonneaux et tourterelles…), puis le festin de mariage de Napoléon et de Marie-Louise. Les grandes périodes sont marquées des éditions originales des ouvrages importants comme le Viandier ou le Guide culinaire d’Escoffier, qu’on aimerait bien avoir dans la bibliothèque.
L’assassinat des Halles en 1970
L’exposition évoque avec fidélité l’importance capitale des Halles Baltard et la mémoire du « ventre de Paris » est honorée à travers les gravures et les photos anciennes de Robert Doisneau. Cela fait mal au cœur d’avoir perdu ce temple, et leur destruction en 1970 est décrite comme un assassinat.
La peinture rend hommage à nos produits
Quelques toiles, (peu mais magnifiques), et notamment « La Halle aux poissons, le matin » de Victor-Gabriel Gilbert en 1880, et cette gigantesque fresque « Les Halles » de 1895, une reproduction de la toile de Léon Lhermitte que l’on peut voir au Petit Palais.
Les arts de la table
Une collection réduite mais capitale par ses choix, des premières coupes de verre fin du XIVème siècle, aux « surtouts » (les centres de table d’orfèvrerie, comme ce surtout de 1880 par Christofle), jusqu’à la porcelaine de Sèvres du déjeuner d’ouverture de la Cop 21, en passant par les pinces à asperges en argent du 19èmesiècle, une presse à canard de la Tour d’Argent et les assiettes « collages » de la Maison Fragile pour Alain Passard.
Les menus et les objets insolites
La collection de menus présente à la fois la table des banquets historiques mais aussi la naissance des grands restaurants et des bistrots et autres bouillons populaires, avec Le pied de cochon et la gratinée des Halles. Pour illustrer la pâtisserie, la collection de moules en cuivre et le traité élémentaire d’Antonin Carême, véritable architecte du goût (1815). Un savoir-faire préservé par l’équipe de l’École Valrhona qui présente la flèche de la Sainte-Chapelle en chocolat. Autres curiosité, l’armoire en pain azyme de Poilâne, un buffet espagnol commandé par Dali au boulanger en 1971.
L’ouverture au monde
On prend conscience de la rapide ouverture de Paris aux autres territoires et aux autres peuples : aux cuisines de province, tout d’abord, qui « montent » à la capitale, et aux produits et des cuisines du monde. Enfin, les couvertures de magazines du monde entier saluent les chefs français, Pierre Gagnaire dans le Telegraph et Michel Guérard dans le Times.
Les spécialités de France cartographiées en 1929
Les spécialités gastronomiques de toute la France sont cartographiées par Bourguignon en 1929, ainsi que les spécialités agricoles du territoire francilien. On admire notamment les cloches à salade en verre du 19èmesiècle qui permettent aux légumes de Bobigny de pousser en plein champ.
L’histoire de notre gastronomie et de notre pays sont intimement mêlées. Il suffit de tirer le fil de l’alimentation pour voir s’ouvrir notre passé et notre futur. Être fiers de notre patrimoine pour continuer à le faire évoluer, apprendre de nos erreurs, reprendre les bonnes idées perdues et aller plus loin, histoire de connaître nos bases avant de construire la suite.
Qu’il est bon de jeter un oeil en arrière avant de repartir en avant !
Exposition « Paris, Capitale de la Gastronomie du Moyen-Âge à nos jours », du 13 avril au 16 juillet 2023, à la Conciergerie de Paris.
Commissariat d’exposition : François-Régis Gaudry, Loïc Bienassis et Stéphane Solier.