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De Megève à Uriage : une cuisine de montagne actuelle

by Le Cœur des Chefs

Nicolas Sintes, Les fermes de Marie, Megève

Les Fermes de Marie sont incontournables à Megève et la famille Sibuet a eu un rôle capital dans le développement gastronomique de la ville. Aujourd’hui, le chef de 36 ans amène sa jeunesse au service d’une institution.

Cet ancien de Bruno Oger reste attaché à sa région du Sud. Il s’est coulé dans les traditions culinaires de Montagne avec enthousiasme mais sans précipitation. « Il m’a fallu un peu de temps pour connaître les gens et honorer de manière actuelle les codes de cette cuisine paysanne et conviviale.

Pour le farcement, on garde le lard, les pommes de terre, les pruneaux (on a aussi une version aux champignons), mais en portion réduite accompagnée d’une salade. Pendant la saison d’été, on sert les poissons de lac qui étaient fumés pour être conservés.

On a gardé cette tradition du fumoir au bois de hêtre ou aux pousses de sapin séchées pour les pommes de terre. J’utilise beaucoup le Sérac de la région, (fromage blanc à base de petit lait), neutre, léger en matière grasse, il est sur toutes les cartes de la saison. Il peut être par exemple détendu dans un siphon avec du safran des Alpes.

À la cave du boucher, notre affineur frotte sa viande au foin et le foie gras se cuisine ici aux myrtilles sauvages.

Le plat qui représente ce territoire :

« Une raviole de Beaufort comme une fondue savoyarde : Une pâte à raviole, une sauce type Mornay au Beaufort et une crème légère à la Coppa du Mont Charvin et à l’Apremont (Vin blanc sec de Savoie, cépage Jacquère, au sud de Chambery). »

Anthony Bisquerra – L’Alpaga à Megève

Anthony Bisquerra avec Léna Prost et Pierre Ouvrard
et photo farçement

On prend un peu de hauteur en se hissant à l’arrière du chalet afin de découvrir la vue sur le Mont-Blanc. Anthony et son équipe rapprochée n’ont pas trop le temps d’admirer le paysage, ils sont totalement investis dans leur challenge : une cuisine inventive très respectueuse des produits de montagne.

Passé par Richard Coutanceau à La Rochelle, le nez dans l’iode, puis par Nicolas Masse aux Source de Caudalie où il a beaucoup travaillé le végétal, le chef ne cache pas son amour gardé intact pour l’océan.

A Megève, sa première impression est de rencontrer « une cuisine riche de fromage et de charcuterie » : c’est pour lui un beau challenge d’y amener une touche de légèreté. Il imagine la tartiflette comme un gratin de pommes de terre au siphon, servi avec une compotée de lard et d’oignons et des chips de Reblochon.

Il goûte le farcement et commence à l’interpréter : « pomme de terre mandoline, lard, beurre clarifié, marmelade de pruneaux, oignons frits et en pickles ». Mais il tient surtout à entrer plus avant dans la vraie vie des savoyards.

Dès son arrivée, Anthony achète un livre d’histoire où l’on raconte le quotidien des fermiers d‘ici qui partent en pâturage et se font du café d’orge torréfié. Tout devient inspiration, de la Fera du lac Léman aux herbes aromatiques.

Ici, la roquette, l’oxalys, les pensées et les primevères poussent toutes seules. Véritable hommage aux terres de Megève, Les Champignons (jaune d’œuf confit, livèche et sauce « extraction de champignons réduite ») se coiffent d’une dentelle de galette de sarrasin et graines torréfiées.

Edouard Loubet et Christophe Aribert : Deux visions

La course de ski du challenge des chefs vient de prendre fin. Tout le monde se retrouve au Forestier, le chalet d’altitude d’Emmanuel Renaut. On se plonge dans une croûte au fromage et au vin blanc. Un banc avec vue sur les sommets est planté dans la neige en bord de terrasse. Edouard Loubet (qui vient de gagner la course) et Christophe Aribert évoquent leur cuisine de montagne.

Edouard Loubet

L’Alpette à Megève et Capelongue à Bonnieux

Edouard Loubet n’a jamais choisi entre Provence et montagne. Sa cuisine puise autant dans les deux territoires. A l’Alpette, à 1895 mètres d’altitude, il sert des diots mijotés au vin blanc avec une polenta bien crémeuse ou des coquillettes aux truffes à un wagon de clients affamés qui arrivent à ski tous en même temps.

Un vrai défi qui ne fait pas peur au champion… « Comme c’est difficile de recruter, les premiers jours je me suis retrouvé tout seul pour envoyer 160 couverts.. Ça m’a rappelé les débuts du Moulin de Lourmarin, je me suis régalé ! »

La montagne, une vraie gastronomie

« Déjà, il faut rappeler qu’on est en montagne dans une vraie gastronomie : on tue le cochon et on fume au genièvre. On a le chou, l’oignon, le lard, la pomme de terre. Il n’y a rien de chichiteux, ici. Il y a des produits magnifiques et une vraie manière de les conserver, je me souviens par exemple des toupines remplies de saindoux de mon grand-père. Quand j’évoque cette cuisine, j’ai à la fois des souvenirs de l’école comme un soufflé d’épinards en gratin et des oeufs durs, une sauce blanche bien relevée de muscade et citronnée, mais je pense aussi au Lavaret, ce poisson de lac qui est un produit exceptionnel : il suffit de le saisir à la poêle avec de l’ail haché et une goutte d’huile d’olive pour honorer ce territoire. Chaque vallée a ses recettes. Les rissoles de Manigod sont sucrées, à la poire et à la cannelle, mais dans les Aravis, la version salée est aux champignons, cuite au four ou en friture. »


Une recette au fromage version grande cuisine ?

« Je servirais un Vacherin émulsionné au vin blanc sur une guirlande de pommes de terre taillées comme des tagliatelles, cuites vapeur et dressées au centre de l’assiette comme des pâtes, recouvertes d’une écume de lard. »

Légende photo :
Pour Edouard, une fondue au fromage dans laquelle on plonge son pain. Pour Isabelle, une omelette aux bolets ramassés par Emmanuel Renaut qui connait tous les coins à champignons.

Christophe Aribert – Maison Aribert, Uriage-les Bains

Originaire du Vercors, Aribert a été élevé au gratin dauphinois, au gigot d’agneau et à la tarte aux pommes. Mais aujourd’hui il ne mange plus de fondue au fromage, par exemple. « Je fais une cuisine alpine en lien avec la nature, utilisant les vertus des végétaux, inspirée surtout de cueillettes, de poissons de lacs et de rivières. Je vis à 500 mètres d’altitude au milieu des achillées millefeuille et des primevères, dans l’ail des ours et la pimprenelle. Je travaille avec une naturopathe, je ne mange plus de viande rouge et de moins en moins de fromage, ou alors du chèvre. J’ai pris un virage santé qui me semblait obligatoire, éthique et éco-responsable. On est ce que l’on mange. »

Aribert aime la cuisine de Loubet qui « exprime son territoire, avec ses herbes, son thym et son laurier. Tu ne t’y attends pas et tu te fais cueillir par ses bouillons de racines. »

De son côté, Loubet admire ce virage d’Aribert sur l’éthique et l’environnement mais n’est pas aussi radical : « Moi, s’il y a de la fondue, je la mange. »

A LIRE EGALEMENT :

Emmanuel Renaut : Immersion dans les Flocons : ICI

René Meilleur : Le Conservatoire de Cuisine de Montagne / Toquicimes : ICI

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