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Collège Culinaire de France : les Dîners Complices

by Anne Garabedian
Chef producteurs
Le collège encourage toujours les initiatives qui viennent des membres eux-mêmes. Celle-ci était brillante et simple à mettre en œuvre. Un restaurant, un chef, des producteurs, des clients. L’essence même de ce métier en plaçant la relation humaine bien au centre. Ainsi sont nés les Dîners Complices qui vont bientôt faire des petits. A l’occasion de Goût de France, douze soirées d’échanges vont avoir lieu dans toute la France. L’un des premiers dîners a eu lieu à Racines des Prés à Paris chez Alexandre Navarro : chacun des protagonistes témoigne de cette expérience qui explique aux clients le travail de l’œil et de la main, de la terre à l’assiette.

Alexandre Navarro, le chef

« J’ai envoyé les producteurs servir les plats et même prendre les commandes. Il y avait une table qui n’avait pas choisi la volaille, Pierre Duplantier leur a fait changer d’avis ! Il n’y a pas meilleur vendeur que le producteur lui-même. Ce qui est fou, c’est que Pierre n’est pas conscient du caractère exceptionnel de son produit ! Lui, il te dit : « Ben, c’est des pintades, quoi ! » Mais les clients s’en rendent compte. Ce soir-là, il a été fier de voir ce qu’on pouvait en faire mais surtout surpris des retours que les gens lui ont fait en direct. Je l’avais désossée à plat et grillée sur la plancha, côté peau pour que le gras fonde tout doucement et que la volaille reste bien moelleuse. Ces moments-là correspondant à ma philosophie de bien connaître les gens avec qui je travaille. C’est du temps et de l’anticipation, un rythme à prendre. Je passe beaucoup de coups de fil mais je le fais moi-même pour pouvoir réagir vite quand Pierre me dit : “en ce moment, les poulardes ne sont pas assez grosses, il vaut mieux que tu prennes de la pintade“. Cela vaut le coup de m’organiser : les légumes d’Eric cueillis le lundi matin qui arrivent chez toi le mardi, c’est incomparable. »

Eric Roy, le maraîcher (Touraine)

Eric Roy

« On avait fait ça d’une manière un peu informelle à Bordeaux avec l’ami Xavier Alazard et ce jour-là on a vraiment créé du lien. Quand on a vu combien les gens s’étaient approprié ce qu’ils avaient dans l’assiette, on s’est dit “on tient quelque-chose.“ Les gens se levaient de table pour venir nous demander comment ça pousse, ensuite ils retournaient finir leur assiette avec un autre regard. J’ai pu aussi voir la réaction des clients qui goûtent mes produits une fois cuisinés, cela m’a donné un nouvel angle. J’aime les assiettes d’Alexandre Navarro parce qu’elles sont lisibles : on reconnaît le produit brut, il n’a pas subi tant de transformations que ça, du moins en apparence. Et c’est là pour moi toute la richesse d’un menu “à la française“ : nous devons mettre en avant les produits de saison afin de montrer toute la diversité du territoire. »

Pierre Duplantier, le volailler (Méracq, Pyrénées Atlantiques)

duplantier

« Alexandre Navarro avait vu mes produits chez Hélène Darroze. On a une relation vraiment intéressante, c’est quelqu’un qui n’est jamais figé dans ses cartes. On est capable de faire un pas l’un vers l’autre, il est souple pour choisir ce qui est beau en ce moment. Ce jour-là, des pintades de 18 semaines finies au lait, qui ont couru dans la prairie pendant 15 semaines puis sont engraissées dans le noir le dernier mois pour préserver la quiétude et la sérénité (on ne se rend pas compte du climat social qui règne chez les pintades si je ne mets pas le holà !). Lors de ce dîner, j’ai été très surpris par la réaction des clients qui étaient curieux de rencontrer les « faiseurs ». Je ne suis pas du genre à aller parler aux gens, je ne voulais pas les déranger. Mais je dois dire qu’ils venaient eux-mêmes nous demander de raconter notre mode d’exploitation et qu’ils sont partis en nous tapant sur l’épaule. »

Christophe Durdilly, le vigneron (Domaine Croix-Rousse, Var)

Durdilly

« Nous étions en interaction directe avec le « consomm’acteur ». Certains sont d’ailleurs venus pour ça, pour nous rencontrer. Et là, on ne parle plus d’appellation, on parle d’émotion, de sensibilité. On échange avec le client sur ce qu’il ressent avec ses cinq sens que l’on a souvent mis de côté. De mon côté, je lui explique comment j’accompagne ma terre fertile. En 2005, sur un territoire qui est plutôt dédié au rosé, je décide de faire du rouge de garde en biodynamie. Je lutte contre les mauvaises herbes, je cultive ma terre en observant la nature. Je peux dire : “Ce vin, c’est un vigneron aux mains calleuses qui le fait, un producteur qui travaille dans ses champs est aujourd’hui devant vous.“ Un dîner complice, c’est une intention du cœur avec des gens généreux, tu mets l’humain au centre de tout. Avec le Collège, je n’ai pas de concurrents mais des confrères. C’est ça que je cherchais depuis dix ans. »

Célia Tunc, secrétaire générale du Collège Culinaire de France

« En France, nous avons une cuisine de produits, c’est notre typicité. Et pour aller plus loin, monter l’exigence un cran au dessus, nos membres revendiquent une cuisine de producteurs : en mettant en avant ce lien établi, en marquant les spécificités régionales que l’on peut avoir d’un produit à l’autre, d’un agneau du Mont St Michel à celui de Lozère, on apporte un plus aux chefs et aux clients. Le Collège participe depuis cinq ans à l’opération Goût de France et cette année, les dîners complices vont permettre de partager notre état d’esprit sur tout le territoire. Cette initiative d’Eric Roy et Xavier Alazard a été vite adoptée par tout le collectif : ils ont raconté le côté passionné des clients qui avaient plein de questions, qui se sentaient privilégiés d’avoir le meilleur interlocuteur qui soit pour parler de ce qu’ils avaient dans l’assiette : le producteur lui-même. C’est une action de communication efficace et facile à mettre en place qui sera déclinée tout au long de l’année chez tous les membres qui le souhaitent. »

Crédit Photo : ©Let’s Make It

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