Ces deux-là sont inséparables. Des amis de trente ans. Pendant Les Etoiles de Mougins, le parrain Philippe Etchebest était très attendu par le public et n’a pas ménagé sa peine. Denis Fétisson nous a ouvert les portes de l’Amandier et là, entre deux bains de foule, ils ont pu se lâcher avec Michel et revenir ensemble sur une petite trentaine d’années d’amitié.
Au dernier étage de la maison de Roger Vergé, l’école de cuisine de Denis Fétisson est une tour imprenable où rien ne peut nous atteindre. Philippe et Michel viennent de s’éclipser du concours du Jeune Chef des Etoiles de Mougins où le jury incroyable choisira dans quelques heures une jeune cuisinière prometteuse (Charlène Estevao, Intercontinental Marseille).
Il y a avec eux Michel Rochedy, Jacques Maximin, Dominique Toulousy, Bruno Oger, Pascal Bardet… Michel est arrivé dans la nuit après le service, il a la main bandée après une brûlure. Philippe commence à peine son marathon de deux jours entre professionnels et grand public et l’effet télé se fait légèrement sentir… Cette interview est une bouffée d’air et ils le savent. Certaines anecdotes resteront en off à Mougins et ne pourront jamais sortir d’ici. Si Roger Vergé a laissé traîner une oreille dans ses murs, il a dû bien se marrer…
La rencontre
Leur rencontre date de 1986. D’ailleurs, elle est marquée par la sortie de l’album de Queen « A kind of Magic ». Michel fait sa première saison en cuisine à Lacanau et s’entend bien avec la réceptionniste de l’hôtel : « A l’époque, on était tous amoureux d’elle. ». A l’école, Sylvie a dans sa classe un certain Philippe Etchebest. « Je vais vous présenter, je crois que vous allez bien vous entendre», leur dit-elle.
« Nous sommes très différents », Je suis un instinctif et Michel est un cérébral. Mais entre nous, ça a collé tout de suite et ça fait 32 ans que ça dure. »
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« Je me souviens parfaitement de mon premier repas chez lui », raconte Philippe : « un turbot et des pommes à l’anglaise. C’était à l’Hôtel L’Oyat à Lacanau et on en a encore mal aux cheveux ! Dieu sait que parfois je fais de belles tables sans retenir tous les plats que j’ai mangés, mais là je m’en rappelle très bien !
Il y avait aussi cette salade d’artichauts, jambon, calamars et copeaux de parmesan : c’était bluffant ! » De son côté, Michel garde notamment en mémoire un plat, devenu une signature, que Philippe réalisait lorsqu’il était à St Emilion, au Château Grand Barrail : sa « Raviole, sauce crémeuse champignons, escalope de foie gras poêlée », même si le chef marseillais reconnaît qu’il n’est pas très foie gras. L’huile d’olive coule dans ses veines, définitivement.
Échange de quilles
En revanche, pour le vin l’entente est parfaite. « Quand on se retrouve, on arrive chacun avec trois ou quatre quilles, et on se dit : « allez vas-y, fais moi goûter un truc ! ». Philippe sait combien Michel apprécie La Grange des Pères (Aniane, Hérault) : « Il est très Roussillon. » De son côté, Philippe a eu un jour « une grosse émotion » avec La Conseillante (Pomerol), un magnum 1982.
Faire des virées à deux
Philippe et Michel mangent souvent ensemble et dans ces cas-là, ils ne grignotent pas. « Le plaisir c’est de se retrouver à table et de se faire « des barres de rire » comme chez Arnaud Donckele pour fêter les 50 ans de Michel. » Ils enchaînent facilement trois plats à la carte, fromage, dessert, café et digestif, comme cette fois chez Dominique Toulousy puis chez Didier Oudill à Grenade-sur-Adour (petit souvenir ému, tous les deux s’en souviennent comme si c’était hier).
Cet été, rebelote. « Cela nous a pris comme ça. Philippe m’a proposé que l’on parte quelques jours en moto tous les deux. A nous la Savoie, La Bouitte, Jean Sulpice, mais aussi Alain Perrillat sur le Lac du Bourget (Atmosphère) : on s’est régalé. »
Quand Philippe vient à Marseille, Michel l’emmène faire les tables de sa région. Ils sont allés chez Gérald Passédat ou chez Dimitri Droisneau, « ou alors, on se prend une pizza chez La Bonne Mère, à côté de Notre Dame de la Garde. »
L’un est rentré à Marseille, l’autre est resté à Bordeaux. L’un au Poulpe, l’autre au Quatrième Mur. Ensemble, ils ne parlent jamais du quotidien ou de la TVA mais plutôt de leurs voyages. Et dès qu’ils se retrouvent, l’alchimie est palpable. Il y a entre eux une sorte de magie qui opère.
A Kind of Magic
- Philippe : Lors du premier repas que j’ai fait chez Michel, on avait écouté le CD de Queen toute la soirée. C’était l’album A Kind of Magic qui venait de sortir (juin 86) et notamment la chanson One vision. On l’a écouté en boucle, j’adorais cette musique. En partant, j’ai pris le disque avec moi.
- Michel : Voilà, c’est ça, il me l’a braqué…
- Philippe : Ah c’est vrai, je ne te l’ai jamais rendu ?
- Michel : Jamais ! Mais ça me fait plaisir, c’est cadeau… 32 ans plus tard, c’est pour moi !
Le MOF : Si tu y vas j’y vais !
« C’est Michel qui m’a poussé », raconte Philippe.
« Un jour, il s’est levé avec cette idée dans la tête. Il m’a dit : « Et si on faisait le MOF ? » alors on l’a passé. A la limite, c’est plutôt Michel qui en avait plus envie que moi. Mais on faisait les choses ensemble, on s’entraînait l’un l’autre dans nos projets. Dans les réunions de cuisiniers, on y allait à deux ou on n’y allait pas. Et là, pour le MOF, c’est ce qui s’est passé : « Tu y vas ? Alors j’y vais ! »
On connaît la suite. En 1996, Michel chute sur un manque de cuisson du maquereau (et pendant dix ans, il n’en a plus touché…) alors que son épaule d’agneau et son savarin passaient haut la main. Il se souvient notamment de la remarque de Michel Troisgros qui est dans le jury, et qui, déçu pour lui, le gratifiera d’un affectueux « mais quel con ! ».
De son côté, Philippe réussira le MOF en 2000 (la même année que Philippe Joannes, Frédéric Anton et Philippe Jego entre autres) avec un caviar pressé puis un canard et foie gras.
Dans le frigo de Philippe, il y a…
- Philippe : A Bordeaux, il n’y a rien du tout !
- Michel : Mais par contre, à la campagne, il y a tout ce qu’il faut !
- Philippe : Ah oui, à la campagne, ça va. Et comme on a des poules et du Noir de Bigorre, on ne peut pas mourir de faim.
Le « Mystère de riz » à Top Chef
Pas besoin de les pousser pour qu’ils se chamaillent. Pendant la dernière saison de Top Chef, Michel est venu goûter les plats des candidats et se souvient du dôme de riz réalisé par Philippe. Sans savoir que cette assiette était réalisée par son ami, Michel commence par trouver le plat un peu simple, « sans énorme complexité technique», puis découvre ensuite qu’il y a un vrai travail sous le riz. Le verdict tombe : « Ce plat ne demandait pas grand-chose pour être véritablement abouti… »
Comme Philippe s’y attendait, Michel n’est pas tendre. Tous les deux reviennent sur cet épisode :
- Michel : « Il manquait quand même deux ou trois bricoles pour que ce soit un grand plat.
- Philippe : Mais je n’ai eu qu’une demi-heure !
- Michel : Je reconnais que la sauce était magnifique.
- Philippe : J’aime bien le faire venir, il a des analyses pertinentes…
- Michel : C’est vrai que tu aimes bien cette forme, le dôme, parce-que tu adores les Mystères. J’ai remarqué que quand on va ensemble au resto chinois, tu prends souvent un Mystère ou un citron givré… »
Galerie Photos :
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