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Alexandre Mazzia, signature unique

by Anne Garabedian

Vous dire que cette troisième étoile est une surprise serait mentir. Alexandre Mazzia a une telle signature personnelle qu’en poursuivant son chemin, il était écrit que la troisième viendrait vite. A ceux qui sont un peu étonnés de cette «ascension fulgurante », on répond : « Signature culinaire fulgurante. Personnalité fulgurante. Tripes fulgurantes. » Pour vous, on recueille quelques mots de l’ordre de l’intime. Et pour ceux qui veulent approcher de plus près l’empreinte et le tempérament, on donne quelques éléments : le cadre, la réflexion et des citations.

Pas si rapide que ça, en fait…

D’accord, Alexandre Mazzia, on le suit depuis longtemps donc on connait bien l’animal. Nous l’avons connu au Ventre de l’Architecte en 2012, à peu près au même moment où Côme de Cherisey le dénichait pour le Gault&Millau (qui depuis ne l’a jamais lâché et l’a désigné meilleur cuisinier de l’année en 2019). Et une, et deux, puis trois étoiles au Guide Michelin (2015/2018/2021) ont ensuite éclairé le ciel d’AM. Mais résumer le cheminement à « 3 étoiles en 5 ans » est bien réducteur et ne tient pas compte de la trajectoire longue. C’est uniquement l’étape de la « révélation » qui se fait jour rapidement, mais le talent s’est construit sur la durée.

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« Impensable et incroyable ! » 

Pour résumer l’état d’esprit d’Alexandre Mazzia recevant sa troisième étoile, à ces premiers mots spontanés il faut ajouter « la lame d’affection » qu’il reçoit depuis lundi. Et au-delà de la récompense du Guide Michelin 2021, ce sont les messages reçus de ses confrères qui lui ont retourné le cœur. « Certains me disent que ça les booste car cela montre qu’on peut réussir en restant soi-même. Ces témoignages me touchent intensément. »

L’ascenseur émotionnel de la Tour Eiffel

Alexandre nous raconte la scène vue de l’intérieur. Entouré de Pierre Gagnaire et de Pierre Hermé pendant la cérémonie, il a pu compter sur eux lorsque l’émotion prenait le dessus : «J’étais tellement ému lorsque j’ai vu les trois étoiles inscrites avec mon nom sur l’écran… Je ne pouvais plus aligner trois mots. Heureusement, Pierre Hermé et Pierre Gagnaire m’ont entouré comme deux papas et ont été avec moi d’une grande gentillesse. » 

Marco, son « frère d’armes », 

Son chef pâtissier Marc Altenburger, à ses côtés depuis tant d’années, est chamboulé : Alexandre nous le décrit : « Marco, là, il a pris une sacrée gifle. C’est simple, il est en quasi-lévitation. Aujourd’hui, il est tellement content qu’il met 4 minutes à te répondre ! »

Lourd à porter ? Ben non, pourquoi ?

« Beaucoup de gens me demandent depuis hier si ces trois étoiles seront lourdes à porter, la pression que ça met, tout ça… Mais franchement, ça ne peut pas être si lourd à partir du moment où tu fais ce que tu es, en écrivant ta propre histoire, sans arrière-pensée. Cela a toujours été ma façon de voir et cela le restera. Bien sûr, c’est énorme mais ce n’est pas une lame de fond sur le contenu de ce qu’on fait. On se met en place pour la réouverture que l’on espère prochaine, on garde les jours d’ouverture d’AM du mercredi au samedi et le Food-truck Michel du lundi au samedi. Et on continue comme ça ! » 

Alexandre Mazzia, mardi 19 janvier 2021

Oui, on en est sûr, ça ne devrait pas changer grand-chose… Le garçon est entier, il ne va pas bouger d’un pouce et c’est très bien comme ça.

Alexandre Mazzia, un concentré de Maz

On vous livre ici une synthèse de l’esprit Alexandre Mazzia, quelques éléments pour comprendre l’humain et saisir son identité unique. Le mieux étant de venir faire le voyage chez AM…

Alexandre Mazzia, autodidacte 

Pas d’école de cuisine : Un apprentissage terrain lors de ses voyages et de ses expériences contrastées, puis Alexandre Mazzia trouve à Marseille un port d’attache qui lui ressemble, avec la mer pas loin. Il investit la rue Rocca dans le 8ème en créant un mur de béton brut dans son local. Il ouvrira AM en 2014.  

Travail acharné, équipe fusionnelle, passion dévorante

Pour comprendre le bonhomme, il faut entrevoir cette bulle qui l’entoure et l’habite totalement. Alex est happé dans un univers qui est le sien, qui fait toute son identité et dont il peine à s’extraire. Aucune concession avec ce qu’il est. Et il ne bougera pas. Il y a aussi un second degré et une distance gérée avec humour. La fierté est là mais l’humilité tient la porte, et la famille passe avant. 

« Les deux premières années, tu tapes les poissons à 3 heures puis les légumes à 5 heures, tu dors 2 heures… On ne réalise que plus tard, au moment où on le raconte, à quel point on est happé par ce moteur du quotidien. Bien sûr, on est plus nombreux dans l’équipe aujourd’hui, mais on tape dedans avec la même force. Au départ, quand nous étions 3 ou 4, notre manière de travailler en mode fusionnel a fait que nous sommes devenus comme des frères avec Marco ou Hafid, par exemple. Mais une machine de travail collectif, ça s’entretient pour pouvoir tenir le choc sur la durée. Cela reste un combat de tous les jours. Il faut arriver à préserver cette persévérance dans la fraîcheur. Ceux qui sont avec toi peuvent se demander parfois pourquoi on travaille autant. Pour moi, c’est facile de répondre, c’est une évidence, c’est toute ma vie… Ce qui m’anime chaque jour, c’est le travail de la matière. C’est mon monde, je suis totalement imbibé dedans, entièrement pris dans mon univers. C’est assez compliqué d’en sortir pour revenir dans la vie normale, j’y arrive grâce à Anne et mes enfants. »

Alexandre Mazzia

Le décor et la cuisine d’Alexandre Mazzia

AM a un décor brut et 24 couverts, cuisine et salle ne font qu’un. Ici, pas de carte. Le chef propose à ses convives un voyage dans son propre univers. Alexandre ne peut pas être absent d’un service : Il gère en direct les dressages et les envois des multiples mets qui vont être servis à chaque table dans un rythme huilé qui ne tolère aucune improvisation. Chaque étape est une surprise séduisante dans laquelle on découvre un goût inédit. La mise en place a été précise et minutieuse. Plus que réfléchi, chaque plat est intériorisé, construit en plusieurs pièces de puzzle qui se répondent. 

Le cœur sur la main et les tripes sur le passe, le chef créatif ne peut aller au-delà dans l’engagement. Sa cuisine est si personnelle que l’on peut être dérouté si l’on manque d’ouverture, tant sur les associations que sur les codes cassés d’une gastronomie réinventée. Mais l’émotion est pure pour celui qui accueille avec envie ce cadeau qui nous est fait : sa cuisine, toute sa vie, sur un plateau à chaque service. 

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