Sans choisir entre bistrot et gastro, Anthony Bisquerra ouvre sa propre table dans le centre-ville d’Annecy. Pour la première fois, il est chez lui. Après avoir passé cinq ans à Megève, cet originaire du Périgord, passé par Bordeaux, La Rochelle et Martillac, confirme son amour pour la montagne. En ouvrant « Anto », il devient chef-propriétaire et goûte à la liberté. Nous avons suivi les étapes de son projet jusqu’à son ouverture vendredi 18 octobre 2024.
Vous suivre au long cours
Nous avions rencontré Anthony Bisquerra dès qu’il est arrivé à Megève en 2017. Lors de ce premier dîner, nous étions scotchés par sa réinterprétation du farcement, ou par son travail de l’agneau entier (comme son grand-père le lui avait appris dans le Périgord). Le personnage commençait à peine à se dévoiler : pas du genre à fanfaronner ou à parler fort, plutôt discret, sauf dans les goûts francs de ses assiettes. Sa compagne Anne-Sophie nous confiait en 2020 que selon elle, il n’avait pas encore totalement lâché les chevaux : « Je crois qu’il ne va pas encore au bout de ce qu’il a envie de faire. Il se bride tout seul et il n’a pas encore tout donné. » Pour la première fois, il ouvre son propre restaurant : le voici maintenant libre dans sa réflexion culinaire.
« À trois semaines de l’ouverture, je ne savais pas encore ce que j’allais faire, ou presque. J’ai beaucoup réfléchi au restaurant, à l’atmosphère, au décor, mais j’étais incapable de répondre à la question “qu’est-ce que je vais cuisiner“. Je n’en savais rien encore. J’étais libre, cela me suffisait. »
Anthony Bisquerra, Anto restaurant à Annecy
La construction de sa toute première carte
Il y a quelques mois, le lieu était trouvé. Nous traversions le pont de l’avenue de la République, au-dessus du Thiou, et nous arrivions sur les vieux pavés de la vieille ville. Là, sous une arcade du Faubourg Sainte Claire, devant le mur de pierres, Anthony commençait à réfléchir. Un peu plus tard, les travaux étaient engagés, mais Anthony ne pensait pas encore à la cuisine. « J’ai rédigé une première carte et quand je l’ai relue, j’ai ri tout seul. Tu as beau te dire que tu vas faire des assiettes plus simples, parfois l’envie d’aller plus loin te rattrape. Tu veux aller au bout, à l’abouti, dans le détail. Mais je me suis dit “Antho, là tu t’es enflammé ! » Alors je l’ai déchirée et j’ai recommencé. »
Choisir de ne pas choisir
Cette première étape a permis à Anthony d’être au clair sur son projet culinaire. Il a choisi de ne pas choisir. Entre gastro et bistrot, il décide de ne pas trancher.
« Tout ce que je n’osais pas, je me sens libre de le faire aujourd’hui. J’ai envie de plats de partage, posés au centre de la table, mais je ne m’interdis pas d’aller plus loin sur certaines assiettes, en montant le curseur du niveau de détail.
Anthony Bisquerra, Anto restaurant à Annecy
Ne m’obligez pas à choisir entre gastro et bistrot. C’est pour ça que j’ouvre un restaurant aujourd’hui : pour ne pas me contraindre à me situer dans un cadre qui m’enferme. »
« C’est juste un restaurant »
Anthony Bisquerra pose la question de la catégorie de la table, de l’étiquette que l’on colle au lieu. Pourquoi s’obliger à construire sa carte en fonction d’une classification, dressée en objectif à atteindre, avant même d’ouvrir ? Dans le cas présent, « Anto » n’est pas dédié par avance à une clientèle qui s’attend à du gastro ou à du bistrot. Ce restaurant est la seule table d’Anthony Bisquerra et s’adresse à ceux qui ont envie d’y découvrir la cuisine identitaire d’un chef libre.
Dans le partage et dans le détail
La tarification sage (37 euros pour le menu en 3 plats et 50 euros pour le menu en 4 plats) ne l’empêchera pas d’aller plus loin, s’il le souhaite, en plaçant quelques séquences de haute gastronomie avec le niveau de détail que cela exige, en s’amusant sur les extractions et les condiments. Et à d’autres moments, il pourra venir déposer un plat de partage encore fumant au centre de la table, comme des fruits poêlés dans une casserole de cuivre du grand-père d’Anne-Sophie.
« Mon objectif c’est de faire ma cuisine sans me poser de questions. Sans être freiné par les contraintes d’un lieu ou d’un objectif à atteindre. Sans chercher à répondre à une clientèle qui s’attend à un certain niveau. Je veux juste être moi-même. »
Anthony Bisquerra, Anto restaurant à Annecy
« J’ai des envies, j’ai des lubies »
Un mois avant d’ouvrir, Anthony nous confiait ses premières idées, dans le désordre :
- Une carte courte avec les préambules, l’eau, la terre, le végétal, les pâturages et les douceurs
- Venir à table présenter le produit brut juste avant sa découpe
- Raconter l’histoire des plats d’ici, mais expliquer aussi les touches du Périgord, du Pays Basque ou de la Gironde.
- M’amuser avec un gaufrier.
- Refaire le farcement dans certaines occasions, pourquoi pas à Noël.
- Amener une poêlée de fruits dans la grande casserole en cuivre du grand-père d’Anne-Sophie, et la poser au centre de la table.
- Travailler le verjus et la moutarde au moût de raisins, que je mangeais quand j’étais petit dans le Sud-Ouest.
- Faire infuser le bâton de réglisse dans du miel chaud et préparer des vinaigres de plantes.
- Mettre du safran dans une hollandaise
- Poser une madeleine au miel de sureau de cet été, sur un pavé de pierre qui rappelle que nous sommes dans la vieille ville d’Annecy.
- Préparer une côte de cochon farcie au pormonier
- Un risotto de petit épeautre du Gaec Le Regain à Massongy
- Proposer un lièvre à la royale en suggestion
- Que l’assiette de fromage soit plutôt un plateau à partager.
- Toujours avoir un poisson pêché du moment, la viande du boucher et un plat végétal
- Une mousse chocolat au siphon avec un pralin à la noix de Grenoble et un sorbet piquillos fumé aux bourgeons de sapin
- Le riz au lait de ma grand-mère, qui ajoutait une cuillère de crème montée au dernier moment.
- (…)
« Je suis chez moi, j’ai envie de me lâcher. »
Anthony Bisquerra, Anto restaurant à Annecy
Photos, citations et propos recueillis par ©Le Coeur des Chefs, ne pas réutiliser sans autorisation préalable.
La carte des vins
« La carte des vins est réalisée avec la complicité de JC, Cave du Parmelan, ancien chef sommelier de l’Alpaga, devenu un ami. »
Les artisans : « Sans eux, rien ne serait possible »
- Poterie de l’Épignier à Marthod
- Blomeko, fleuriste à Annecy
- Vannerie Yann Marie à Gruffy
- Poterie du Salève, poterie culinaire à Neydens
- Atelier du Prunier, céramique pour l’art de la table à Thônes
- Ateliers Gouj, art du bois, Massif de la Chartreuse
Anto Restaurant
- Ouverture du Mardi au Samedi, midi et soir
- 14 Faubourg Sainte-Claire 74000 Annecy
- Tel : 04 50 45 21 68
- Contact : manger@antorestaurant.fr
- Réservation en ligne : https://www.antorestaurant.fr
- https://www.instagram.com/anto_restaurant/
Originaire du Périgord, passé par Bordeaux, La Rochelle et Martillac, Anthony Bisquerra passe cinq ans à Megève (de 2017 à 2022), et tombe amoureux de la montagne. Il décide de s’installer à Annecy en ouvrant « Anto » en octobre 2024 et poursuit les liens tissés avec les artisans locaux, entre lacs et massif du Mont-Blanc.
À lire également :
L’article consacré à Anthony Bisquerra et Anne-Sophie Vincent à l’Alpaga de Megève : « Il est le feu, je suis l’eau », dans la revue Le Cœur des Chefs Numéro 9, Printemps/Eté 2021 (Revue à commander à l’unité), dont vous pouvez lire le sommaire ci-dessous :