Situation totalement inédite : au moment où Serge Vieira remportait le concours en 2005, Davy Tissot l’accompagnait dans ses entraînements. Le MOF 2004 a décidé d’y aller cette fois en tant que candidat. C’est lui qui remporte cette sélection et représentera la France en Estonie en Juin 2020 pour la finale Europe. C’est un total retournement de situation où l’humain tient une place capitale : Serge Vieira est maintenant le président de la Team France. Dans un sens ou dans l’autre, le duo marche et la France a toutes ses chances. Dans cet article, retrouvez le podium, l’ITW du duo et le retour sur la finale France : un grand moment qui se déguste aussi avec les yeux (galerie photo en fin d’article).
Sur le podium
Bocuse d’Or FRANCE 🇫🇷: Davy Tissot, Restaurant Saisons (Institut Paul Bocuse, Ecully)
2ème place : Tom Meyer (Pic, Valence)
3ème place : Romain Masset (Régis & Jacques Marcon – Saint-Bonnet-le-Froid (43)
Prix spécial assiette : Gilles Leininger (Le Jardin Secret – La Wantzenau (67))
Prix spécial plateau : John Argaud (Le Meurice – Paris (75)
Commis : Nicolas Grunier (Davy Tissot)
Interview de Davy Tissot et Serge Vieira
Lorsque Davy descend du podium, Serge est happé sur le flan de scène. Nous interrogeons chacun alors qu’ils ne se sont pas encore parlé. Et c’est bien d’avoir leur réaction à chaud sans que l’autre ne soit près de lui : ces deux-là se connaissent par cœur. Dans cette aventure, l’humain va compter double. On échange avec Serge entre deux portes, avant qu’il ne rejoigne le cocktail. Pour Davy, c’est plus compliqué : il faut l’extirper de la foule et le mettre aux abris. Dans la salle vide, c’est le démontage de la scène. Le chef n’a pas réalisé ce qu’il vient de faire, mais dans ces quelques minutes seul avec nous, l’émotion commence à poindre. Et la joie est là.
Davy : « Pour faire court, si ce n’était pas Serge, je n’y serais pas allé. »
« La première réaction quand j’entends mon nom, c’est de me dire que maintenant, il va y avoir du job ! Je pense tout de suite à mon commis Nicolas Grunier, à tous ceux qui nous soutiennent, à la famille… Il y aura certainement des hauts et des bas, mais on va continuer à se faire plaisir. Mon engagement, c’est la Team France. Je suis au fond assez solitaire. Je parle peu mais j’écoute beaucoup. J’observe, et je pars du principe que dans ce qu’on va me dire, il y a toujours une part de vrai. Donc j’en tiens compte. Christophe Roure, Alain Le Cossec et Dominique Giraudier sont là, mais j’aurais aussi besoin de conseils en dehors de la cuisine. J’aime avoir cette vision à 360 degrés de notre métier que j’exerce depuis 32 ans. J’ai besoin de retravailler les détails. Des choses que d’habitude je gère bien mais qu’ici je n’ai pas maîtrisées. Jacques Maximin m’a toujours dit : « c’est dans les petites choses qu’on reconnait les grandes maisons. » Et bien sûr, il faudra écouter. Lorsque je me suis entraîné, j’ai fait venir pas mal de chefs pour me conseiller et je peux vous dire qu’il vaut mieux savoir écouter parce qu’ils n’y sont pas allés de main morte ! Et ainsi, j’ai beaucoup appris, humainement surtout. Avec Serge, on se ressemble sur des tas de choses, on a la même sensibilité. Pour faire court, si ce n’était pas Serge, je n’y serais pas allé. »
Serge Vieira : « Davy a prouvé son engagement »
« Il a mouillé le maillot et il avait un commis extraordinaire. Côté cuisine, il est le seul qui a cuit son lapin dans un beurre noisette, les autres l’avait cuit en l’entourant de film. Et puis sa sauce est incroyable, douce et puissante. Kenneth Toft-Hansen en était épaté. Ce n’est pas sur la technique ou le goût que nous aurons à travailler ensemble, mais plutôt sur la créativité. Il n’a qu’un objectif, c’est le drapeau tricolore sur le podium. Bien sûr il faudra discuter parce que tu ne gères pas un gars avec cette expérience comme tu modèles un jeune en pleine construction. Mais il saura écouter, comme moi j’ai écouté : en 2005, j’avais acheté des supports en bois pour le plateau et dans les derniers jours Régis Marcon et Eric Pras m’ont dit de ne pas les mettre. J’étais sûr de moi, j’allais les utiliser vu qu’ils m’avaient coûté un prix fou… J’allais droit dans le mur, heureusement qu’ils étaient là. Les autres candidats de la sélection ont un potentiel énorme, il faut en emmener quelques-uns avec nous dans l’aventure. Il faut qu’ils saisissent cette chance de s’entraîner ainsi avec la Team France pour préparer l’avenir. »
Une sélection France qui tient ses promesses
Le niveau était là. Parmi les 68 candidats qui se sont proposés au moment des qualifications (un record), seuls 8 avaient été choisis pour se départager cette semaine. Nous sommes donc dans le haut du panier. Parmi eux, des seconds de grandes maisons (Marcon, Pic…), des machines de guerre, des jeunes ou des moins jeunes, tous avec une niaque incroyable et une bonne expérience des concours. Chacun savait à quoi il s’engageait. Techniquement, tous tenaient la route et se sont entraînés avec la même implication. Le travail était propre et net, les plateaux et les assiettes sont tous partis à la dernière minute du temps règlementaire : des pros.
Un point les sépare, 20 ans les séparent…
Les quatre premiers sont dans un mouchoir de poche : Tissot et son excellent commis devancent Meyer d’un seul point, à la grande surprise des jurés lorsque l’huissier est venu leur présenter les résultats. Tom a 25 ans et Davy 46. Romain Masset suit juste derrière. Le jury cuisine a été bluffé par le niveau de ces candidats que Serge Vieira espère garder dans l’entourage de la Team France. Tous saluent le potentiel sensationnel de Tom Meyer et le ballet technique de Romain Masset, son organisation quand il travaille. Le métier a découvert là deux belles personnalités, d’excellents cuisiniers qu’il faut suivre de près.
Gilles Leininger, seul chef propriétaire de cette sélection, n’a pas démérité et remporte le prix Assiette pour son artichaut. Il a perdu des points dans sa présentation du lapin où tous les morceaux bien distincts étaient attendus : les qualités du viking ne sont plus à prouver, il n’était pas loin. John Argaud (Le Meurice) repart avec le prix du meilleur plateau, une manière épatante de cuisiner et de présenter son arrière de lapin en « cuisses apparentes ».
Les plats de Davy Tissot :
Plateau : « Barons de lapin aux carabiñeros, lentement rôtis au four. Jus aux senteurs de verveine et citron de Menton ».
Assiette : « Petits poivrades poêlés en cocotte, fine gelée acidulée au vinaigre Cesare Giaccone, crème légère d’artichaut Castel, râpée de noisettes du Piémont, Matignon de cèpes, pomme Granny et artichaut, émulsion crémeuse d’artichaut ».
A relire :
Les portraits des huit candidats à la sélection France : https://lecoeurdeschefs.com/bocuse-dor-8-candidats-pour-la-selection-france/
Mais également les autres articles consacrés au Bocuse d’Or sur le Cœur des Chefs :
Pour rappel, ci-dessous les précédents articles concernant la Team Bocuse d’Or :
– un article à un entraînement que vous trouverez ici : https://lecoeurdeschefs.com/team-france-bocuse-dor-lentrainement-des-champions/
– puis un article lors de l’événement ici : https://lecoeurdeschefs.com/bocuse-dor-pas-failli/
– Et une autre galerie photo ici : https://lecoeurdeschefs.com/bocuse-dor-une-journee-avec-la-team-france/
– L’annonce de la présidence de Serge Vieira : https://lecoeurdeschefs.com/bocuse-dor-serge-vieira-prend-la-presidence-de-la-team-france/
Le site : https://lecoeurdeschefs.com/
Vous pouvez feuilleter et télécharger les précédents numéros ici : https://lecoeurdeschefs.com/magazine/
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Copyright photos :
Ambiance : Jean-Philippe Garabedian/ Assiettes et plateaux : Studio Julien Bouvier.
GALERIE PHOTOS COMPLEMENTAIRES :
2 commentaires
Que d’émotions , merci pour ce bel article aussi …
Merci Mercotte, si tu le trouves réussi, je suis contente. Bises