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Omnivore Paris 2023, selon Le Coeur des Chefs

by Anne Garabedian

Retour en images sur Omnivore Paris. L’édition 2023 nous a donné de grandes premières, comme Frédéric Anton, qui n’était jamais venu auparavant et nous a sorti le grand jeu avec la presse à canard pour écraser délicatement les sucs de bouillabaisse, et des petites pépites pour lesquelles il fallait être attentif, comme l’émotion d’Adeline Grattard quand Luc Dubanchet lui confie qu’il y a quinze ans, Pascal Barbot l’a appelé en lui intimant : « Tu DOIS aller découvrir Yamtcha ! » Durant trois jours, nous avons écouté les cuisiniers parler du feu qui les anime, et nous choisissons de vous raconter ces moments comme un roman-photo, avec les images et leurs légendes.

Adeline Grattard (Yamtcha)

Adeline Grattard est concentrée sur sa cuisine et non sur son image. Notre entretien avec la chef de Yamtcha a permis de décrire son fonctionnement totalement hors-système qui peut paraître atypique aujourd’hui, et de présenter une partie de l’équipe soudée. Nous avons creusé avec elle la nature même d’une cuisine franco-chinoise dont la mise en place bien calée laisse la part belle au spontané, même si en ce moment, Adeline est en salle, et cherche du personnel motivé pour ses deux établissements.

Au menu également, la communication des chefs : Avec son recul, on y voit plus clair.

« Je n’ai pas pris le train de l’agence qui travaille votre image sur mesure. Certes nous avons besoin de communication, mais je n’ai pas très envie de rentrer dans cette logique. » 

Adeline Grattard, YamTcha

Enfin, c’était aussi l’occasion de revenir sur les vingt ans du festival Omnivore puisqu’elle était là dès le début. Luc Dubanchet nous a rejoint pour évoquer sa première rencontre et lui apprend que c’est Pascal Barbot qui l’a appelé pour lui dire qu’il était indispensable qu’il aille, avec Sébastien Demorand, goûter la cuisine d’Adeline.

L’émotion d’Adeline Grattard quand Luc Dubanchet lui confie qu’il y a quinze ans, Pascal Barbot l’a appelé : « Tu DOIS aller découvrir Yamtcha ! »

Notre entretien avec Adeline Grattard sur la scène d’Omnivore est à revoir ici :

À lire également, Adeline Grattard :

Pierre Gagnaire

Pierre Gagnaire revient sur les échecs de sa vie de restaurateur, et notamment la période où il a mis la clef sous la porte à Saint Etienne. Le chef de la rue Balzac conseille « l’opiniâtreté sans être têtu » : « En 1996, j’ai tout perdu et je l’ai payé très cher. La passion avait totalement occulté le commercial. L’artisanat est compatible avec l’artistique mais il ne faut pas trop oublier ce qu’est un commerce. 

Être opiniâtre, oui, mais être têtu, c’est le début de la connerie. Moi j’ai été trop têtu. Il faut être soi-même ne pas perdre sa ligne et fortement croire à ce qu’on fait. »

« Faire un fond de tarte m’emmerde profondément. Il faut traiter la pâtisserie comme la cuisine : écouter le fruit comme on écoute la cuisson du poulet. »

Bruno Verjus

« J’aime tromper le cerveau pour raconter des histoires. Il faut jouer avec les sens. Il y a des restaurants où on fait bouger les chaises. Moi je préfère jouer sur le cognitif de façon franche. »

Italiaaa ! Les chefs italiens ont investi la scène d’Omnivore. Au menu, les parties en désamour de nos viandes et poissons : laitance et sperme de merlu, œil de thon, entrailles de poissons d’Adriatique, Ceviche de cervelle et figues de barbarie.

Anna Barbina nous fait la démonstration d’un Minestrone de légumineuses. Son Osteria Contemporanea, située entre Venise et Trieste, a pour ligne directrice : « des produits traditionnels dans une cuisine qui n’est pas traditionnelle. »

Son minestrone, soupe typique du Frioul, est décliné avec du citron fermenté et un miso d’algues. 

L’astrance

« La contrainte du restaurant nous a obligés à cuisiner autrement ». Pascal Barbot et Christophe Rohat expliquent que l’étroitesse de la cuisine de l’Astrance (lorsque le restaurant était rue Beethoven), où l’un des 4 feux était dédié à chauffer l’eau de la plonge, les a poussés à réaliser une cuisine qui faisait la part belle aux condiments, avec peu de sauces à la minute : il fallait utiliser le moins de casseroles possible. Ils n’auraient pas pu faire la recette d’aujourd’hui avec les coquillages cuits à la minute et un assaisonnement différent pour chacun.

Nous allons bientôt fêter le premier anniversaire de l’Astrance rue de Longchamp à Paris (Revivre ici les premières visites du lieu en 2020…), puisque le duo a ouvert ses portes en décembre 2022.

Intermède de petites pépites

Otèque de Alberto Landgraf, ce citoyen du monde à moitié japonais qui a grandi à Londres et vit au Brésil : « Le climat lourd de Rio nous oblige à faire une cuisine légère. Je commence toujours le menu par un plat cru. C’est une tradition japonaise qui permet de montrer le niveau de qualité de tes produits. » Démonstration avec un tartare de langoustines, jus de manioc cuit et fermenté pendant trois jours, noix de cajou, pommes de terre et jus d’açaï, ce petit fruit brésilien bourré d’antioxydants.

Une belle découverte : « La blette au jus de douze légumes du Vexin » de Bastien de Changy, à la table Elle&Vire avec Mercotte.

Elisabeth Hot, autour d’une tarte chiboust, raconte comment elle échange au quotidien avec Angelo Musa et Jean Imbert au Plaza.

Camille Saint M’leux, notre candidat France pour le San Pellegrino Young Chef, coaché par Christophe Bacquié, nous raconte les prochaines étapes du concours avec la finale internationale à Milan (et nous serons à ses côtés !)

Lire ici le coaching de Camille et de Christophe Bacquié pour se préparer à la grande finale.

Jean-François Piège nous emmène au bout du jardin

Le chef du Grand restaurant nous a emmené « au bout du jardin », un univers assez poétique où les mignardises sont servies sur des champignons. Guimauves au cresson, une gavotte avec un crémeux fraise/rhubarbe, une crème bergamote servie à la cuillère, des feuilles de chocolat aux bourgeons de cassis et panais, et enfin une mirabelle épluchée et assaisonnée comme une crudité : Jean-François Piège parle alors de « fruidité ».

La Team Grenouillère entre en scène

On ne compte plus les participations d’Alexandre Gauthier à Omnivore. Juste avant le top départ, fin de mise en place dans la cuisine : pour « la plume d’amandes », les amandes fraîches sont enrobées à chaud dans le beurre infusé à la vanille.

« Cette assiette se joue sur le grain de sel. C’est là qu’il devient un plat et non un dessert. »

Alexandre Gauthier parle de la PLume d’amandes fraîches

Alexandre Gauthier a un programme un peu tendu.. Heureusement qu’il a Alix, Eliott, Guillaume, et Giuseppe avec lui ! On démarre avec un origami de courgettes taillées à la mandoline japonaise, puis on cuit une aubergine blanche sous vide. On la parsème encore chaude de confettis d’oseille, (réalisés à la machine à poinçonner), et on l’arrose d’une mayonnaise d’huile de feuilles de figuier : « On n’annonce pas l’aubergine, et on ne s’y attend pas. Elle a une texture de chair poissonneuse assez proche du Saint-Pierre. »

« On ne peut pas rester dans la caricature du Nord, avec de la betterave et des endives. On a aussi de la courgette qui pousse chez nous ! »

Alexandre Gauthier

Albert Adria joue avec les voiles. Un voile de noix de coco fraîche qui ressemble à du lard de Colonnata, et un voile de calamar posé sur une anchois : « Ici, nous avons une technique japonaise de découpe pour réaliser des voiles de calamars, avec lesquels on recouvre une anchois assaisonnée au miso de blé. Les anchois, c’est la Ferrari des produits ! ». Juste à côté, une brochette de filaments de concombre de mer saisis 45 secondes dans un mélange de vinaigre de riz et de vin.

Albert explique qu’avec la pandémie, il s’est totalement recentré sur Enigma : « Après le Covid, j’ai fermé quasiment tous les lieux que j’avais ouvert et je me suis uniquement concentré sur mon Restaurant Enigma. J’ai tout mis dedans. Ne faites pas comme moi. Je vous déconseille d’investir autant d’argent dans un seul restaurant de 700 m² pour 40 invités. »

Grande première fois de Frédéric Anton

Pour son premier Omnivore, Frédéric Anton n’a pas lésiné. Il s’est lancé dans la bouillabaisse. Le plus important pour lui était de cuisiner sur place, sans arriver avec une mise en place toute faite. Il s’est donc déplacé avec Mehdi Sgard, Max Martin et quelques-uns de l’équipe du Pré, ainsi que Mathieu Chapel (Côté Fish) qui s’était occupé du poisson de Méditerranée. 

« Une bouille, c’est l’efficacité de la concentration du goût. Quand on la met dans la bouche, il doit se passer quelque chose. »

Frédéric Anton

Le grand moment : La soupe de poissons est ensuite passée à la presse à canard, magnifique, venue tout droit de l’argenterie du Pré Catelan : « On a besoin d’être délicat et de ne pas trop la presser pour avoir le goût du poisson mais pas des arêtes. Et Mathieu goûte en premier parce que c’est son poisson. »

Les élèves de l’École Ducasse ont accompagné les démonstrations des chefs, drivés par Julian Mercier et Alain Ducasse est venu les retrouver sur place.

Un rouleau de Gavottes à l’Araguani Valrhona par Jordan Gasco 

Le chef pâtissier du Chambard chez Olivier Nasti nous donne son secret : relever le rouleau à chaque fois pour obtenir des fils très aériens. Une cuisson 7mn à 170 degrés. « On a besoin de nuances pour s’amuser dans la dégustation. Le Poivre de Penjab va réveiller l’ensemble du dessert. » 

Florent Ladeyn découvre sur place les produits de sa démo

Le chef de l’Auberge du Vert Mont a choisi de cuisiner à l’aveugle une boîte mystère composé par ses producteurs. « Clément, mon cousin m’a préparé deux ou trois trucs en mise en place et ce n’est pas étiqueté. Cette manière de faire n’est pas très différente de notre quotidien au Vert Mont. J’ai fait des choix il y a une dizaine d’années et ils sont toujours les mêmes aujourd’hui : être 100 % local en poussant le terroir dans ses retranchements. Parallèlement, je découvre le métier de chef d’entreprise avec une équipe de 80 personnes. »

Il sent, il goûte et il y va !

« Ça c’est du shiso, là il y a des haricots, une aubergine, des oignons. Je reconnais un condiment algues, du beurre fumé, et un bouillon blanc de maïs, Une sauce poisson, de la reine des prés, du piment, une charcuterie de thon, une huile de branche de cassis, du miel, des myrtilles, des groseilles et de l’amarante, des bourgeons de sapin et des mûres. »

À l’arrivée, ce sont des aubergines au beurre fumé, shiso et piment et une sorte de waterzoï personnel, qui lui rappelle une soupe de poisson et crevettes séchées de Norvège.

« Cela faisait longtemps que je n’étais pas venu seul sur scène. Mais c’est très bien, parce que ce qui me fait vraiment kiffer, c’est ça : c’est de cuisiner les produits que j’ai devant moi. »

Florent Ladeyn

Une mise en place d’Alexandre Mazzia, ça ressemble à ça…

Grand final des vingt ans d’Omnivore avec la démo d’Alexandre Mazzia qui est venu avec toute la Team d’Am. Cuisine, service et plonge, ils sont tous là ! Le menu d’AM se déroule, les séquences s’enchaînent et les marqueurs sont donnés.

 

« À chaque début de voyage, vous avez ces marqueurs qui sont des ancrages intimes de mon expression. Pour dire bienvenue, du piment, de la torréfaction, des épices et de l’iode. »

Alexandre Mazzia

On croise dans les séquences autant d’associations très signées : 

  • Un katsuobushi de crevettes grises 
  • un vinaigre de tête de rouget brûlée et agrumes
  • Une algue cristallisée et patate douce, pistache, grenade et parmesan
  • Une langoustine plongée dans un bain de saké, poivre vert et baies de sumac
  • Un poisson, levure de bière torréfiée, eau de bonite
  • Un Condiment gingembre, tête de maquereau brûlée et poutargue de caviar
  • Lait fumé, œufs de saumon, noisettes grillées,
  • Pélamide, chair d’araignée de mer, peau de poulet grillé
  • Un gel de piment/betterave
  • Et poivrons et carottes fermentées avec leur sucrosité naturelle, peau de piment séché : Autrement dit « le jus du dragon ».

« La simplicité de la semoule, le grain soyeux qui roule, qui fond et disparaît : c’est Marseille et c’est l’Afrique en même temps. »

Alexandre Mazzia

Je suis d’autant plus émue que nous avions inauguré avec Alexandre cet exercice de dérouler ensemble la totalité des séquences de son menu il y a deux ans à Marseille, un souvenir particulièrement intense. 

Cette fois, Marco n’était pas à nos côtés mais juste au-dessus de nous, toujours avec le Coeur. ♥️

« Quand on joue avec les intensités, il faut faire attention à ne pas tomber dans le ravin. »

Alexandre Mazzia

Visuels @lecoeurdeschefs et @White Mirror pour Omnivore : merci de ne pas réutiliser textes ni photos sans autorisation.

Replonger dans Omnivore Paris 2023 :

Vous pouvez retrouver les moments forts dans la story à la Une consacrée à cette édition sur le compte Instagram @lecoeurdeschefs 

 Et allez vous replonger dans les vidéos des scènes et des échanges ici 

Vingt ans et toujours jeune…

Lire ici la longue interview de Luc Dubanchet : « Vingt ans de jeune cuisine » :

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