« Un cuisinier devrait apprendre la pâtisserie et vice-versa. L’ordre importe peu, il suffit que l’un et l’autre sortent de leur zone de confort pour que chacun progresse. »
« Autrefois, un cuisinier de tradition française passait d’abord par la pâtisserie : il fallait travailler le sucre, le chocolat et la glace avant de passer au salé. Cela s’explique surtout par le fait que la cuisine française a toujours été une cuisine de technique. Elle est devenue cuisine de produits avec les précurseurs (Chapel, Ducasse ou Vergé) avant de gagner aujourd’hui l’ensemble de la profession. Donc on apprenait avant tout des techniques à reproduire, les règles et les pesées, d’abord en pâtisserie puis en cuisine. Quand j’ai commencé à cuisiner, j’ai été vite pris par la fougue de la spontanéité du salé, mais je dois reconnaître que j’ai progressé au moment où je suis parti me former en pâtisserie. D’abord je me suis posé avant d’aller dans toutes les directions. J’ai appris à faire un Opéra dans les règles pour mieux m’en libérer ensuite. Cela m’a permis de rafraîchir mon palais et d’explorer des gammes de goût dont je n’avais pas l’habitude, comme les amertumes. »
« Aujourd’hui il faudrait aller plus loin car il nous manque un rouage, celui de la technique adaptée à la compréhension du produit. On n’a pas fait ce travail en pâtisserie. »
« Les japonais ont fait ce travail : lorsque Ippei Uemura* pratique l’Ikejimé, il va loin dans le contact qu’il a avec son poisson, ce lien avec la nature qui fait que sa méthode d’abattage et de découpe est parfaitement adaptée à chaque pièce. Sur la pâtisserie, il y a des choses à faire dans ce sens. Prenons l’exemple d’un flan : on a sourcé nos ingrédients et on connaît la technique. Mais qui fera le lien entre la pression atmosphérique du jour de fabrication, la fraîcheur de l’œuf et la densité de l’appareil ? C’est aussi la date du jour de ponte qui peut déterminer le nombre d’oeufs à incorporer. D’autre part, il faudrait sans doute poser sur la table le prisme « santé » pour repenser l’ordre classique : de ce point de vue, les fruits et le sucré devraient sans doute être proposés en début de repas. »
*Ippei Uemura, restaurant Tabi no Yume à Marseille.