Accueil Chefs De Pascal Barbot à Yam’Tcha, le parcours atypique d’Adeline Grattard 

De Pascal Barbot à Yam’Tcha, le parcours atypique d’Adeline Grattard 

by Anne Garabedian

En complément de l’article consacré à Adeline Grattard (dans la revue Le Cœur des Chefs Numéro 15, à paraître en avril 2024), voici un bonus de l’entretien, toujours aussi inspirant. Au delà de notre interview sur la scène d’Omnivore, nous avons poursuivi l’échange avec la cheffe de Yam’Tcha pour qu’elle nous raconte tout son parcours. Avec ses souvenirs d’enfance, on apprend les fondations du goût et son envie de nourrir l’autre. Dans le récit de sa période « Astrance », on comprend combien Pascal Barbot l’a marquée puis soutenue pour prendre son envol. Sa notion de « puiser dans tout ce que l’on a mangé depuis que l’on existe » aidera tous ceux qui sont en panne d’inspiration devant leur carte.

Le goût du courage et de l’effort

« J’ai suivi des études d’allemand mais à vingt ans, je me suis reconvertie à la cuisine. Je suis bourguignonne et quand on partait en vacances avec mes parents, c’était des moments où ils étaient extrêmement détendus, mangeaient sainement et pleinement. Et de voir ses parents ainsi, cela véhicule un sentiment de bien-être chez les enfants. J’étais très sensible au repas et à la nourriture quand j’étais petite, et ce sont eux qui m’ont apporté cela. J’aime manger et j’aime nourrir, c’est pourquoi je me suis tournée vers ce métier. J’ai intégré l’école Ferrandi avec Flora Mikula comme maître d’apprentissage des Olivades. Une cheffe qui m’a donné le goût du courage et de l’effort. Une femme qui aime la vie, très entourée et qui m’a montré que la vie parallèle était possible même si elle bossait comme une dingue et qu’elle avait un établissement qui fonctionnait à 200%. À l’époque, je travaillais 80h par semaine, c’était un choc terrible car en fac d’allemand, j’étudiais 12h par semaine. J’ai appris à avoir mal partout, à me brûler, à me couper, à me faire insulter. Bon, c’est le monde de la cuisine… Très vite, je me dis qu’il va falloir être rapidement indépendante. J’ai terminé mes études et puis j’ai eu la chance d’être employée à l’Astrance assez rapidement après la sortie de l’école. »

Le choc Barbot

« Je cherchais un emploi et je suis allée voir sa carte car il venait d’ouvrir. Il proposait au menu un foie gras/groseille/gingembre. Ça me touchait et cela me donnait envie d’y travailler. À ce moment-là, je finissais mon stage chez Yannick Alléno. Je passe la porte, et je ne suis pas très bien accueillie par un second de cuisine qui me dit qu’ils ne cherchent personne. Et le soir, j’ai rappelé en demandant si je pouvais parler au chef, et il m’a dit de venir le voir. Il ne cherchait personne mais il a gardé mon CV. Je suis partie dans un autre restaurant, où le personnel était nourri aux frites et aux cordons bleus, et un jour je vois un appel manqué sur mon téléphone. C’était Pascal Barbot qui me proposait un essai car Rose-Marie s’en allait : J’ai dit oui tout de suite ! Je me souviens des débuts comme de la pire galère de ma vie. Je me suis sentie incompétente et humiliée de ne pas être à la hauteur. J’ai voulu partir mais Pascal Barbot m’a rattrapée : “Si, tu vas y arriver. Accroche-toi ! “ Et je suis restée trois ans. » raconte Adeline Grattard.

Comment a-t’il réussi à te convaincre de rester ? 

« Je pense que tous les cuisiniers qui travaillent pour Pascal Barbot sont fan de lui. Il a une passion pour la cuisine, une passion pour les produits. C’est quelqu’un d’animé, d’extrêmement vivant et on a juste envie de le suivre. Quand on voit le nombre de cuisiniers qu’il a formés, c’est incroyable ! Après être passés par lui, nous sommes quasiment tous devenu indépendants. »

Lire l’article de six pages « Adeline Grattard » dans la revue semestrielle Le Cœur des Chefs Numéro 15, Printemps/Été 2024, à paraître en avril 2024 : Les débuts de Yam’Tcha, l’identité culinaire et son fonctionnement en « jets d’énergie », mais aussi son organisation d’hier et d’aujourd’hui, s’adaptant aux difficultés de personnel, en y trouvant une force supplémentaire. Un témoignage inspirant et capital.

Que gardes-tu de cette période « Astrance » ? 

« Je dirai que c’est de ne jamais abandonner, toujours être dans la recherche, au-delà du bon produit et du bon assaisonnement. D’être toujours animé par l’envie de servir ce que l’on cuisine. Il faut avoir cette énergie tous les jours, midi et soir, de concevoir des assiettes vivantes, d’y mettre son coeur et sa foi. Avec le recul, c’est ce que je retiens de Pascal Barbot. Je suis sûre qu’il est toujours comme ça. C’est mon mentor et je l’adore ! »

« Je me suis dit, “Bon Dieu, puise dans tout ce que tu as mangé depuis que tu existes. Puise dans tout ce que tu aimes et mets-toi en cuisine. “

Adeline Grattard

Adeline Grattard : au moment où tu t’es installée, Pascal Barbot était encore là pour toi ?

« Quand on ouvre un restaurant, on déborde d’idées. Mais moi, une semaine avant l’ouverture, j’ai eu l’angoisse de la page blanche ! Pascal Barbot m’a énormément aidé : il m’a suggéré de faire le plat que je préparais pour le personnel à l’Astrance, des aubergines à la sichuanaise. “ Si tu leur fais ce plat, tes clients vont être bien”, me disait-il. Et moi je n’y avais même pas pensé ! Juste avant d’ouvrir, je n’avais pas encore de Kbis et je ne pouvais pas acheter de produits à Rungis. Je l’appelle en larmes, en panique totale : il m’a emmené et il m’a rempli ma chambre froide. » 

Puiser dans ce que l’on aime

« Avec mes collaborateurs, qui étaient très proches, on s’est soutenus et on a énormément travaillé. Et je me suis dit, “bon Dieu, puise dans tout ce que tu as mangé depuis que tu existes. Puise dans tout ce que tu aimes et mets-toi en cuisine. “ Si à cette époque, j’avais mis des recettes en place pour faire une carte bien définie, je ne serais plus en cuisine aujourd’hui. Parce que faire les mêmes plats tous les jours, ce n’est pas passionnant. »

Textes et photos © Le Coeur des Chefs, ne pas réutiliser d’extraits sans autorisation.

A lire également : l’article d’Adeline Grattard dans la revue Numéro 15 (Printemps/Été 2024 (Parution Avril) https://lecoeurdeschefs.com/sabonner-le-coeur-des-chefs-revue-cuisine-et-gastronomie/

Réserver le 4 mains entre Pascal Barbot et Adeline Grattard à L’Astrance Lundi 25 Mars 2024

https://www.astranceparis.fr/reservation/

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