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Fabien Ferré à l’Hôtel du Castellet

by Anne Garabedian

Récit d’un déjeuner à l’Hôtel du Castellet, juste avant sa réouverture. La cuisine de Fabien Ferré se raconte sans punch-line. Parce que la ligne est délicate. On n’est pas dans du rentre-dedans, mais dans la petite claque derrière la tête. Au lendemain de son repas-test, on se lance dans un exercice qui tient plus du ressenti que de l’analyse technique pour raconter une identité extrêmement travaillée, mais sans en avoir l’air. Et ça va bien avec le personnage. On vous emmène au Castellet ?

Ils sont prêts ! Réouverture de l’ouverture de l’Hôtel du Castellet pour cette nouvelle saison, avec le chef Fabien Ferré, tout juste auréolé de trois étoiles au Guide Michelin 2024. On les retrouve la veille de la réouverture dans ce mélange d’excitation et de sérénité qui fait la marque de Fabien dans sa manière de mener son équipe : ils ont tous, c’est palpable, l’envie d’y aller et le plaisir d’être dedans, mais on n’est pas dans l’agitation. Concentrés, focus, sportifs, à fond, mais tranquilles dans leur tête. 

La cuisine est au cordeau

C’est le produit, c’est la justesse des cuissons et des assaisonnements, l’équilibre entre les différentes saveurs. Oui, d’accord, mais quand on est à ce niveau, c’est la base. Si on s’arrête là dans la rédaction du papier, on a décrit une maîtrise technique et une belle sensibilité de cuisinier, mais on n’a rien dit de lui. 

Mettre des mots sur une identité 

Il est toujours difficile de décrire une identité. On cherche parfois un plat-signature qui va définir une trame, un style marqué avec des associations détonantes qui vont faire parler. Mais chez Fabien Ferré, on ne cherche pas à la ramener. On est dans l’affirmation des saveurs, mais sans taper du poing sur la table. On n’est pas dans du « je te bouscule pour te faire tomber de ta chaise ». Le gars est serein, il n’a pas besoin de forcer le trait pour marquer les esprits.  

« On n’est pas dans du rentre dedans, on est plutôt dans la petite claque derrière la tête. »

Les côtes de poisson comme des côtelettes miniatures, les huîtres de Giol, la cuillère d’aïoli et la soupe de roche te dessinent le paysage : ici, tu es dans le Var, à une encablure de la côte.

Un an plus tard…

Une ligne claire se dessine depuis sa prise de fonctions en 2023, et à la même époque, nous sortions justement de son premier training. Un an tout pile après que Fabien ait pris les rênes du Castellet avec le noyau dur indestructible (Guillaume Cocault en cuisine, Loïc Colliau et François Luciano en pâtisserie et Jonathan Pral en sommellerie), la route n’a pas dévié et trace même un sillon plus profond.

Pour décrire la ligne de Fabien

Si l’on devait décrire l’identité de Fabien Ferré en quelques mots, on dirait que dans ses sauces, rondes et gourmandes, il y a toujours un kick de fraîcheur, toujours végétale et plutôt herbacée, mais pas forcément dans l’acidité appuyée. Souvent sous la forme d’un gel qui préserve le vent frais qui souffle dans le palais réconforté par la sauce. C’est ça, la marque de Fabien.

Le kick de fraîcheur végétale

C’est un maquereau, céléri et géranium, avec une perle souple d’aloe vera. C’est un retour de pêche, aujourd’hui un loup, dans un beurre mousseux à la casette, mais avec une petite vague de verveine. C’était mon gros coup de cœur de l’an dernier, et il tient ses promesses dans sa deuxième saison (voir l’article.) C’est un artichaut contisé d’anchois qui te tient par le haut du palais avec son parfum de livèche, en gardant une longueur en bouche incroyable. 

Le challenge du végétal

Toujours dans la même ligne, le menu végétal se démarque. Le challenge est grand de traiter un navet et un fenouil comme élément principal de l’assiette. Le fenouil est réveillé par le gel d’absinthe, le navet voit son amertume préservée mais titillée par le vinaigre de pin.

L’encornet viandard

L’encornet/marjolaine fera, à coup sûr, l’unanimité, (cuisson minute, plancha puis chalumeau). Il est véritablement traité comme une viande avec un jus qu’on aime saucer avec le pain tigré. L’asperge blanche, plutôt rare en Provence, vient de chez Sébastien Coudray. Elle est rôtie et garde sa tenue, et balancée par l’asperge crue, taillée mandoline, avec algues, caviar et granité dans un petit bol en satellite. Ça parait simple, mais il fallait le trouver.

C’est pas ce que tu crois…

Quand le carabineros arrive, il est dressé dans l’assiette droit comme un I, et on a déjà vu l’animal dans cette posture. Tu t’attends donc à quelque chose de connu. À être dans le confort du « je connais et ça me plaît ». Tu t’y attends, mais ce n’est pas ça. Encore une petite claque derrière la tête : L’acidité de la rhubarbe tannée fait de l’œil à la gambero, et d’ailleurs les deux textures rôties se marient, mais en gardant chacune leur autonomie. C’est une union réfléchie, sans fusion, avec une complicité entre les deux ingrédients qui veulent continuer à garder leur indépendance.  Et comme on ne peut pas y résister, on garde le pigeon Miéral à la Sarriette. 

La souplesse des menus

« Expression marine » ou « expression végétale » sont deux propositions distinctes, et il y a un choix à faire entre la proximité des côtés de Méditerranée et l’engagement de Fabien sur le travail du légume. En revanche, la souplesse est incroyable : pas d’obligation de choisir le même menu pour l’ensemble de la table, il suffit de respecter le nombre de services pour qu’il n’y ait pas un convive qui déguste pendant que l’autre le regarde manger. À part ça, on choisit la longueur du menu avec un 4, 5 ou 6 services, on peut décider de passer (ou pas) sur le fromage, on peut remplacer l’une des étapes par le pigeon, (ou l’ajouter, c’est bien mieux, parce que les portions sont si précises que l’on arrive au bout), bref on a une sacrée liberté. « L’immersion » dans la cave à fromage est à ne pas manquer. Une collection assez pointue que l’on part découvrir en sortant de table. 

Les desserts de François Luciano et Loïc Colliau

Le « chocolat Nicaragua/criste marine et olive maturée » devient un classique, avec du sel et peu de sucre, et le Kiwi/ estragon du Mexique/huile de pistache est tout nouveau. Je choisis le soufflé vanille de Tahiti, huile de vanille, crème glacée biscuitée. 

Clin d’œil à Christophe Bacquié 

Seul petit clin d’œil à la période Bacquié, le nougat aux olives, encore tiède, enrobé dans l’huile du Moulin du Partégal, est servi à table par François Luciano à la fin du repas. Pour le reste, la transmission avait été bien faite l’an dernier et, on le sait, Fabien a été bien formé par Christophe, dont il a été le second puis le chef de cuisine pendant de nombreuses années. Mais depuis un an, c’est bien sa propre histoire qu’il raconte. 

Ce qui ne change pas, c’est leurs coups de fils : pendant que nous discutons jus de pigeon avec Guillaume pendant la coupure, Fabien est au téléphone. Quand il ressort du bureau, il nous raconte : « C’était Christophe, évidemment… »

Les photos du Cœur des Chefs chez Fabien Ferré

Textes et photos ©Le Cœur des Chefs, ne pas réutiliser sans autorisation.

Lien vers le site de l’Hôtel du Castellet dans le Var : https://www.hotelducastellet.net/fr/

À lire également : « De Christophe Bacquié à Fabien Ferré »

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1 comment

Alain Deswarte 5 avril 2024 - 19 h 09 min

Quelle bien veillante et précise écriture.
Par la lecture de ce belle article ,
je me suis replongé dans ce délicieux et délicat
moment partagé .

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