Accueil Chefs Le Louis XV change de salle, rien ne change – Hôtel de Paris – Monaco

Le Louis XV change de salle, rien ne change – Hôtel de Paris – Monaco

by Anne Garabedian
L’an prochain à la même date, le restaurant Alain Ducasse de l’Hôtel de Paris aura réintégré sa salle historique. Pendant les travaux, toute l’équipe a déménagé du côté des jardins. Le restaurant accueille ses 50 couverts dans l’aile Rotonde, face à la mer, et la brigade est installée dans la cuisine de la brasserie. Tout a été anticipé avec minutie. Les connaissant, on en attendait pas moins. Cependant, il est tout de même rudement instructif de creuser un peu du côté des coulisses. Déménager sa brigade 3 étoiles pendant 1 an, comment ça marche ? Visite des cuisines avec Dominique Lory et son second Julien Lasseaux, à ses côtés depuis 9 ans : on s’installe au passe pour détailler leur organisation au quotidien. Galerie Photo en fin d’article.

Lors des premières réunions de préparation avec ses chefs de partie autour de lui, Dominique Lory n’en menait pas large : « Quand on s’est assis autour des plans de cette cuisine de 40m2, on était un peu anxieux quand même. On ne pouvait rien lâcher sur la qualité, ce n’était pas négociable. Alors il a fallu trouver des solutions. Nous avons déménagé le 8 juin et 4 jours plus tard on ouvrait à la clientèle. Depuis, nous n’avons que de beaux retours. » Ils ont eu beau travailler des heures sur les plans, il fallait le vivre au quotidien. C’est lorsqu’ils se sont retrouvés dans le feu de l’action qu’ils ont décidé ensemble des derniers ajustements.

S’adapter

Le chef n’est pas du genre à se plaindre, mais plutôt à trouver que chaque expérience fait grandir. « Mes garçons se sont bien adaptés, c’est un bel exercice de faire du Louis XV dans un lieu un peu différent. D’accord, on n’avait pas assez de place alors on a joué sur l’organisation. Ici on a gardé le garde-manger, l’entremet et les poissons. On a déplacé les viandes là, un peu plus loin et au moment du service, on fait des allers-retours… » Plutôt sportif, le duo n’a pas tellement l’air contrarié : « Le passe fait 1mètre 20 et ça n’est pas suffisant ! Alors on a aussi travaillé les dressages pour optimiser nos gestes : pour l’assiette de légumes/truffe noire, les éléments étaient séparés avant d’être pris un par un. Maintenant on les cuisine en finition dans le même sautoir avant de les assembler. »

Complicité entre Dominique et Julien

Les deux hommes se connaissent bien et s’envoient des mails dans la nuit « pour que l’idée ne se perde pas ». C’est comme ça que Dominique envoie un mot à Julien pour lui dire qu’il a trouvé l’amuse-bouche : « On voulait cuire les poissons marinés à table, j’ai vite écrit à Julien qu’on allait utiliser les galets du Larvotto ! » On ne peut pas faire plus local… Dans le plat de cuivre, les galets chauds sont mouillés de bouillon au citron, la vapeur est contenue sous cloche. Bonite, maquereau, galinette ou chapon, chaque poisson a un taillage qui lui correspond selon sa fermeté et les bouchées cuisent instantanément.

Les cardons à la loupe : Cuits, fondants, nourris, rôtis dans leur jus, confits…

Un plat qui résume bien l’esprit Ducasse : Un produit simple, d’ici, cuisiné de la meilleure manière qui soit pour le rendre magnifique. Avec amour. (Et pas mal de boulot, quand même…) On redécouvre ainsi le cardon, cousin de l’artichaut. Dominique Lory choisit la variété «Gobbo di Nizza », le cardon bossu du Piémont, qui est ici extrêmement cuisiné : « Les cardons sont blanchis trois fois, puis on les fait cuire au four vapeur pendant deux heures. Troisième étape, on les cuits entiers sautés au beurre dans le sautoir. Enfin, on les coupe en quartiers avant de les terminer dans le jus de parures de cardons rôtis, comme si c’était un jus de viande. A côté de ça, on a préparé notre garniture de pain de blé truffier de Patrick Duler : les tranches à peine rassies d’un ou deux jours sont passées au hachoir à viande puis torréfiées. Ces graines de pain craquantes sont ensuite mouillées au jus de cardon, comme un risotto, mélangées avec une brunoise de cardons confits. » On se demandait tous si c’était du petit épeautre ou une sorte de blé..  Mais c’était un risotto de pain avec des cardons plus que confits. C’est le plat qui nous épate le plus aujourd’hui.

Deux soufflés à l’Hôtel de Paris

Au Grill (au 7ème étage), le soufflé de Franck Cerutti est traditionnel, base de pâtissière, gros soufflé servi à table à la cuillère, Grand-Marnier, vanille ou chocolat de la Manufacture, régressif à souhait. Le soufflé individuel de Sandro Micheli est différent : « On part d’une purée de fruits réduite jusqu’à obtention d’une texture de pâtissière, puis on la monte aux blancs d’œufs. Le tout est posé sur un biscuit sans gluten. »

Salle et sommellerie

Quand on est à ce niveau de service, le déménagement temporaire est en apparence une simple formalité à surmonter. Pour Michel Lang et Noël Bajor, tout semble facile. C’est un plaisir de parler avec eux dans la cave ronde de la Rotonde. Le sommelier, toujours passionnant et accessible, propose à côté de sa carte Héritage quelques raretés qui s’expriment sur les quatre saisons. « Pour certains vins, il n’y a pas de millésimes. Chacun atteint sa maturité à un moment différent, et nous sommes très attentifs à leur évolution pour les proposer quand ils sont à leur maximum. » Noël Bajor sert deux vins au verre. Ses coups de cœur du moment : Domaine des Planes, Famille Rieder en Côtes de Provence, Roquebrune-sur-Argens, 2017 et La Chapelle de la Mission Haut-Brion, Pessac Léognan de 2004. Pour le reste, tout est au cordeau. Les tenues ont un tombé de haute-couture. Les couverts de vermeil reviennent pour le dessert, rappelant ainsi les passages de vaisselle à travers les époques. Tout un symbole pour rythmer chaque temps du repas par des gestes de service. Sur table, les feuilles de pain végétales (pâte à pain étalée très finement et fleurs de courgettes, carottes et radis mandoline) sont installées sur des supports de laiton sur mesure. Le beurrier de marbre rappelle la forme du Rocher de la principauté.

Le déjeuner Riviera

Entrée au choix :

Cardons Gobbo et pain au blé truffier cuisinés ensemble, épinards

Coquillages et brocolettis rafraîchis, condiment iodé

Plat au choix :

Loup de Méditerranée au fenouil, agrumes du mentonnais

Agneau de lait fermier, rougette et petit épeautre

Fromages affinés

Dessert à la carte :

Soufflé chaud à la mangue et fruits de la passion, sorbet au poivre rose.

Poire Passe-crassane fondante, en pickles, crème glacée gingembre.

L’équipe :

Chef de cuisine : Dominique Lory

Chef pâtissier : Sandro Micheli

Directeur du restaurant : Michel Lang

Sommelier : Noël Bajor

Le contexte :

Il y a trente ans, le Louis XV a été confié à Alain Ducasse par le Prince Rainier (Mai 87) et a obtenu ses trois étoiles en 1990. La salle du Louis XV qui donne sur la place du Casino a été totalement rénovée en 2015, mixant les éléments historiques (miroirs, plafonds, boiseries du 19ème..) à la modernité d’une salle et d’un mobilier qui réinventent le service à table. Pendant un an, le restaurant déménage dans l’aile Rotonde, face à la mer, le temps de terminer les travaux (en ce moment le hall), et toutes les équipes réintégreront fin 2018 la salle du Louis XV et des cuisines entièrement rénovées.

http://www.alain-ducasse.com/fr/restaurant/le-louis-xv-%E2%80%93-alain-ducasse

Galerie photo :

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